BURCKHARDT JACOB (1818-1897)
La « Kulturgeschichte »
Après cette période allemande, Burckhardt revient à Bâle. Il y enseigne l'histoire et participe aux luttes politiques de la ville en soutenant comme journaliste les positions de la droite modérée. Découragé par la politique, il se rend en Italie en 1846. Il collabore avec Kugler lorsque celui-ci réédite en 1847 son Manuel d'histoire de la peinture et son Manuel d'histoire de l'art. Ensemble, ils essaient de mettre en rapport l'histoire de l'art et l'histoire de la culture. Combattant le principe romantique de la supériorité du gothique, Burckhardt insiste sur l'épanouissement des arts à la fin du xve siècle en Italie. À partir de 1848, il cherche à concilier l'histoire politique et l'histoire de l'art en une histoire de la culture (Kulturgeschichte). Ainsi, dans L'Époque de Constantin le Grand, publiée en 1853, il s'intéresse au passage du monde antique au monde chrétien en insistant sur l'idée de continuité. Les figures de Dioclétien et de Constantin se détachent sur un tableau de la civilisation païenne à son déclin, avec son pullulement inquiet de religions. Burckhardt montre comment le christianisme a réussi à sauver l'héritage classique. Comme Charles Martel, Constantin est un de ces individus appelés à jouer un rôle de portée universelle. Son ambition et son goût du pouvoir sont les instruments d'une nécessité historique. Par la suite, Burckhardt abandonnera cette vision de l'histoire qui le rapproche de Hegel.
Le Cicerone, publié en 1855, est le fruit d'une étude attentive des monuments et des musées des principales villes italiennes, effectuée pendant l'hiver 1854-1855. À la fois guide et histoire de l'art italien de l'Antiquité au xviiie siècle, il est divisé en trois parties : une première consacrée à l'architecture et à la décoration ; une seconde à la sculpture ; une troisième à la peinture. Les parties se subdivisent selon les grandes périodes et, dans chaque chapitre, Burckhardt met l'accent, par ce classement même, soit sur les régions, soit sur les personnalités des artistes, soit sur les thèmes ou les genres. L'ensemble constitue un mélange savant de topographie et d'histoire. À propos de l'architecture, Burckhardt se sert du concept de Renaissance. Il distingue une première Renaissance (qui va de 1420 à 1500) de l'âge d'or de la Renaissance qui se termine vers 1540. Son idéal reste le classicisme dont la peinture de Raphaël constitue l'épanouissement. Michel-Ange lui inspire une certaine défiance, car il s'éloigne des normes classiques. Quant au baroque, il parle la même langue que la Renaissance, mais « c'est un dialecte dégénéré ».
Après quelques années d'enseignement à Zurich (1855-1858), Burckhardt revient à Bâle enseigner l'histoire et l'histoire de l'art en utilisant, un des premiers, des documents photographiques.
La Civilisation de la Renaissance en Italie, publiée en 1860, constitue la meilleure illustration de ce qu'il entendait par histoire de la culture. Il ne s'agit pas d'une narration chronologique, mais du tableau d'une civilisation située dans l'espace et le temps, considérée comme une unité dont les différents aspects sont soulignés et articulés. Sans utiliser une documentation considérable, Burckhardt a été attentif aux faits et aux événements capables de révéler la mentalité d'un peuple (Volkgeist). Il interprète la Renaissance comme une époque qui contraste fortement avec le Moyen Âge. Dans la première partie, intitulée « L'État comme œuvre d'art », il décrit les tyrannies, forme nouvelle d'État qui repose sur des rapports de force. Ces États modernes, œuvres d'individus sans scrupules, sont caractérisés par leur absolutisme et leur fragilité. Une telle organisation[...]
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Écrit par
- Michel PLAISANCE : professeur à l'université de Paris-VIII
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