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JORDAENS JACOB (1593-1678)

Le style « héroïque »

La meilleure période du peintre couvre quelques années avant 1620 et une bonne partie de la décennie suivante : Le Satyre chez le paysan (Cassel), La Fécondité et Pan et Syrinx (Bruxelles) ont enfin l'aisance et l'assurance propres aux chefs-d'œuvre. Plénitude des formes, puissance de la composition aux formes colossales vues par en dessous, lumière intense et pure qui découpe sculpturalement les volumes, allégresse sonore de la couleur qui s'étale en grandes nappes lisses et brillantes de rouge et de brun, tels sont les caractères marquants du style « héroïque » de Jordaens, qui, seul avec Rubens, donne enfin à la Renaissance flamande l'accent triomphal et la conclusion artistique qu'elle cherchait, insatisfaite, à travers les tentatives des romanistes et des maniéristes du xvie siècle (C. Sterling, catalogue de l'exposition Rubens et son temps, 1934). De cette vision triomphaliste et si fortement plastique relève encore une autre œuvre célèbre de Jordaens : Les Quatre Évangélistes du Louvre (env. 1625). Le type réaliste des visages des évangélistes a donné lieu à toute une série de têtes d'étude suivant une habitude reprise de Rubens et pareillement adoptée par Van Dyck (d'où bien des confusions entre ce dernier et Jordaens) ; certaines, modelées en pleine lumière et insistant à plaisir sur l'aspect ridé des chairs, sont de purs chefs-d'œuvre : ainsi les exemplaires des musées de Gand et de Libourne (doubles études juxtaposées sur un seul tableau, ce qui est un cas fréquent), de Douai, de Berlin, de Bruxelles, etc. Dans la même période de ce style si large et généreux mais caractérisé par un métier plus souple que celui d'avant 1620, se placent quelques portraits de grande classe comme le Seigneur au chapeau de la collection Kinnaird à Pertshire (Écosse), Le Jeune Marschalck (1624) de Kansas City ou le Couple de Boston qui attestent en Jordaens un observateur attentif à la psychologie et rival de Cornelis de Vos et de Van Dyck pour le rendu somptueux des étoffes sombres et la dignité des attitudes.

<it>Le Roi boit</it>, J. Jordaens - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Roi boit, J. Jordaens

Jordaens finit ainsi par se comporter comme un « rubéniste » encore plus rubénien que Rubens. Dans cette constante et secrète rivalité, qui se double souvent d'une véritable collaboration avec ce dernier, notamment dans les années trente (à propos des arcs de triomphe, par exemple), Jordaens n'évite pas à la longue une certaine lourdeur ni l'écueil des redites et de la vulgarité, comme le montrent ses grandes toiles qui ont trop souvent tendance à être démarquées de Rubens ; tels le Martyre de sainte Apolline (1628) à l'église Saint-Augustin d'Anvers ou Saint Martin guérissant un possédé (1630) à Bruxelles. Une note plus spécifiquement « Jordaens » est donnée par le mélange des genres (Jésus chassant les vendeurs du Temple au Louvre) dont un aspect fondamental est l'application délibérée de formats monumentaux à des sujets de genre familiers, tels Le roi boit (Louvre, Bruxelles, Cassel, Vienne...), Les jeunes piaillent, les vieux chantent (Valenciennes, Berlin), le Concert de famille (Anvers), sujets d'un réalisme plaisant qui prend bien souvent un aspect moralisateur et satirique, d'autant plus intéressant chez Jordaens qu'il correspond sans doute à son évolution vers le calvinisme.

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

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Médias

<it>Méléagre et Atalante</it>, J. Jordaens - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Méléagre et Atalante, J. Jordaens

<it>Le Roi boit</it>, J. Jordaens - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Roi boit, J. Jordaens

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