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RUISDAEL JACOB VAN (1628 env.-1682)

Le « romantisme » de Jacob van Ruisdael

Le plaisir de contempler les créations de Ruisdael est souvent accru si l'on sait situer ce peintre à sa vraie place parmi ses contemporains. Pour l'apprécier à sa juste valeur, il est en effet nécessaire de préciser ce que nous entendons par le mot « romantique » quand nous tenons Ruisdael pour un peintre romantique. Les paysages hollandais du xviie siècle ont eu une grande influence sur les paysages du xixe siècle, ère du romantisme. Et le romantisme a interprété l'art du xviie siècle d'une façon qui détermine encore sensiblement la manière dont nous voyons Ruisdael et ses contemporains. L'essai de Goethe sur Le Cimetière juif, tableau qui se trouve au musée de Dresde, a pour ainsi dire créé un nouveau Ruisdael. Mais, chose remarquable, Le Cimetière juif est justement la seule allégoriebaroque qu'on puisse désigner dans son œuvre (une autre version se trouve à Detroit). Ruisdael avait dessiné avec exactitude ce cimetière inculte, selon la coutume juive. L'artiste a interprété ce motif comme une allégorie de la fragilité de la vie terrestre. Ainsi, il a adapté ce tableau à une tradition très répandue aux Pays-Bas, suivant laquelle on représente une allégorie de la Vanité sous une forme empruntée à la vie de tous les jours. Les ruines soulignent cette signification et la nature s'y adapte. Le temps qui détruit tout, qui efface même la mémoire, n'est pas un vieillard portant une faux, mais une rivière qui érode, qui sape les monuments des générations antérieures. Que la nature elle-même soit soumise aux lois du temps et de la mort, les arbres morts et brisés du premier plan l'attestent clairement. Les nuages et la lumière s'adaptent au motif central, mais la mort, omniprésente, est vaincue ; l'arc-en-ciel, clavis interpretandi de ce tableau, renvoie à cette vérité de foi.

Les hommes du xviie siècle étaient certainement capables de reconnaître (ou de projeter) dans la nature leurs propres états d'âme. Le poème cité du Schilderboek de Karel van Mander en est une des nombreuses preuves. Mais les gens de ce siècle n'attribuaient jamais à la nature une vie propre, comme le feront les artistes du xixe siècle. Contrairement aux romantiques, ils considéraient leurs émotions comme inférieures aux enseignements de la raison, de la tradition et de la foi.

Déjà de son temps, Jacob van Ruisdael eut beaucoup d'imitateurs. Les noms de la plupart ne sont connus que du petit cercle des historiens d'art spécialisés, à l'exception de celui de Meindert Hobbema (1638-1709) qui a été, vers 1660, l'élève de Ruisdael et qui travailla à Amsterdam jusqu'à sa mort. Chez Hobbema, le choix des thèmes est plus restreint : il est moins inventif dans ses compositions que son illustre maître. L'agencement décoratif de nombreux motifs lui permet rarement de rivaliser avec les espaces impressionnants de Ruisdael. Chaque tableau de Ruisdael a une atmosphère différente ; dans chacun le peintre semble traduire une expérience personnelle par les solutions qu'il apporte aux problèmes artistiques de composition, d'espace, de couleur et de lumière.

— Lyckle DE VRIES

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut d'histoire de l'art de l'université de Groningue, Pays-Bas

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Médias

<it>La Tempête</it>, J. van Ruisdael - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

La Tempête, J. van Ruisdael

<it>Vue d'Amsterdam</it>, J. van Ruisdael - crédits :  Bridgeman Images

Vue d'Amsterdam, J. van Ruisdael

Autres références

  • HOBBEMA MEINDERT (1638-1709)

    • Écrit par
    • 328 mots

    Seul paysagiste hollandais du xviie siècle à pouvoir soutenir la comparaison avec Ruisdael, Meindert Hobbema doit sa redécouverte aux amateurs anglais du xixe siècle.

    Son existence est très peu documentée. Né à Amsterdam, Meindert Lubbertsz adopta le surnom d'Hobbema et fut l'élève de Ruisdael...

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    La peinture de marine, en tant que genre indépendant, se définit lentement dans la peinture occidentale, plus tard que le paysage et bien après le portrait ou la nature morte. Elle se développe pourtant à la faveur de la même évolution — naissance du tableau de chevalet, intérêt...

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