AUDRY JACQUELINE (1908-1977)
Dans l'immédiat après-guerre, c'est la cinéaste française, la seule qui put reprendre le flambeau laissé par Alice Guy et Germaine Dulac. Elle le maintint avec talent et persévérance jusqu'à l'arrivée de la nouvelle vague, puis la floraison de la génération des cinéastes de la féminitude. Née à Orange, Jacqueline Audry fait ses études secondaires au lycée Molière à Paris. En 1928, elle rencontre la script-girl Paula Mathé, qui la présente au metteur en scène J. P. Paulin. Jacqueline Audry fut script pour vingt-cinq films (Tourjanski, Decoin, L'Herbier, Siodmark...) et finit par devenir l'assistante d'Ophüls pour Werther. Elle tourne ainsi une dizaine de films en travaillant avec Lacombe, Pabst, Delannoy. En 1943, enfin, elle réalise à Nice son premier et très beau court métrage Les Chevaux du Vercors. La même année, elle rencontre le compagnon de sa vie, son dialoguiste préféré, Pierre Laroche, qui a laissé son nom dans l'histoire du cinéma comme coscénariste et dialoguiste avec Jacques Prévert des Visiteurs du soir, de Marcel Carné, et de Lumière d'été, de Jean Grémillon. Seize longs métrages naîtront de cette passion commune pour le métier.
Sans fortune au départ, bataillant sans cesse, Jacqueline Audry a connu bien des fois les réticences des producteurs qui hésitaient à lui confier de gros budgets. Pourtant, elle excella à transcrire en images, avec tact et finesse, des sujets qui auraient pu exciter la censure d'alors. Olivia (1950), Minne, l'ingénue libertine (1950), Gigi (que Colette aima et qui révéla au public de l'écran le talent d'une jeune comédienne : Danielle Delorme, en 1948). L'époque 1900, sa licence, ses personnages souvent frivoles séduisirent Jacqueline Audry qui remit au jour l'œuvre de Colette, ainsi que le personnage de La Garçonne (1957) de Victor Margueritte. Des sujets plus graves aussi la tentèrent avec raison et souvent avec bonheur : Huis clos (1954), de Jean-Paul Sartre, et Fruits amers (1966), adaptation de Soledad, drame politique de sa sœur Colette Audry. Elle porta ainsi à l'écran toutes les situations délicates inscrites en ces œuvres littéraires avec le même souci de pudeur dans l'impudeur, de retenue dans l'ambiguïté (Le Lis de mer, d'après A. Pieyre de Mandiargues, 1969), et avec le dessein avoué de montrer que « quelque chose change » dans nos vies, dans notre société.
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Écrit par
- Françoise OUKRATE
: Chef monteuse, coorganisatrice du groupe Musidora, membre du Comité de rédaction d'
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