RISSET JACQUELINE (1936-2014)
Poète, écrivain, critique littéraire, traductrice et universitaire, Jacqueline Risset est née le 25 mai 1936 à Besançon et morte à Rome, le 3 septembre 2014. Fascinée très tôt par la ville de Florence, puis par la poésie de la Renaissance (L'Anagramme du désir. Sur la Délie de Maurice Scève, 1971), cette élève de l'École normale supérieure de jeunes filles part étudier en Italie pour s’écarter d’un destin trop tracé. Jeune agrégée d'italien, traductrice de Ponge et de Sollers, elle rejoint de 1967 à 1982 le comité de rédaction de la revue d'avant-garde Tel Quel dont son premier recueil de poésie fragmentaire joue le Jeu (1971), usant des ressources de la linguistique, de la philosophie ou de la psychanalyse.
Après un essai emblématique (L'invenzione e il modello : l'orizzontedellascrittura dal petrarchismoall'avanguardia, Rome, 1972), Jacqueline Risset travaille à une biographie, Dante écrivain, ou l'Intelletto d'amore (1982), qui la conduit à traduire elle-même un texte canonique dont elle veut retrouver la vigueur première. L’entreprise durera huit ans. Cette version de la Divine Comédie (Enfer, Purgatoire, Paradis, 1985, 1988, 1990), établie à partir de la nouvelle édition de Giorgio Petrocchi, nourrie de sa culture d'italianiste et de choix prosodiques résolument modernes, devient une référence.
Née d'un constant dialogue (Traduction et mémoire poétique. Dante, Scève, Rimbaud, Proust,2007), l'œuvre de Jacqueline Risset, proche d'Yves Bonnefoy, se nourrit de l'expérience de la traduction, de la réflexion critique sur les modèles(Marcelin Pleynet, 1988 ;Dante, une vie, 1995 ; Une certaine joie. Essai sur Proust ; 2009) ainsi que de la confrontation de l'intelligence des formes avec l'existence ; l'universitaire (Il silenzio delle sirene : percorsi di scritturanelnovecentofrancese, 2006) qui vit depuis les années 1960 à Rome, où elle enseigne la littérature française à l’université « La Sapienza », traduit LePrince de Machiavel (2001), interroge ses lointains contemporains, le mystère amoureux de la Délie, la vitesse inventive et l'âpreté verbale de Dante, la conscience très éveillée de Proust. Son amitié avec Federico Fellini, rencontré grâce au poète Andrea Zanzotto, participe tout autant à sa maturation : le cinéaste (Fellini, « le cheik blanc ». L'annonce faite à Federico, 1995) incarne pour la traductrice d'Intervista. Bloc-note d’un metteur en scène(1987)le rêveur démiurge dont l'esprit poreux à la totalité immédiate de l'enfance sait vivre l'art au quotidien. Ce dialogue privilégié avec Fellini tout comme avec Dante lui permet de réfléchir à la puissance créatrice de l'inconscient, aux états de passage du sommeil, du rêve et de l'éveil et à l'éternelle déception du récit de rêve (Puissances du sommeil, 1997). La douleur et la transfiguration de l'amour chantées par les troubadours puis par Dante (dont elle traduit les Rimes en 2014) sont reprises sur le mode distancié de la micro-fiction (Sept Passages de la vie d'une femme, 1985 ; L'Amour de loin, 1998) ou dans l'immédiateté du poème bref (Petits Éléments de physique amoureuse, 1990). Les dernières œuvres, d'inspiration proustienne, développent une réflexion critique sur le temps, la durée et Les Instants (2000). Les fragments autobiographiques qui composent Les Instants les éclairs (2014) explorent plus avant cette fracture de l'être, tentent de faire rentrer les illuminations de l'enfance, les éclats du rêve, les coups de foudre de l'amour dans la durée d'un récit et de retrouver dans le purgatoire de la mémoire, des instants de paradis.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
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