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AUDIBERTI JACQUES (1899-1965)

Jacques Audiberti a traversé la civilisation occidentale du xxe siècle comme un paysan méditerranéen, chaussé de gros souliers, muni d'une vaste culture et d'une immense curiosité. Chemin faisant, il a raconté ses découvertes, ses plaisirs, ses surprises, ses colères, ses enthousiasmes, dans une langue d'une richesse inépuisable. Ce verbe qu'il possédait, de la qualité la plus rare, a souvent dissimulé, aux yeux d'un certain public, ce qu'il donnait clairement à entendre, et qui ne faisait pas plaisir à tout le monde.

Un Antibois à Paris

Jacques Audiberti est né à Antibes, le 25 mars 1899, d'une famille de maçons. Il fait ses études au collège de la ville. Au sortir de l'adolescence, il travaille quelque temps comme greffier de la justice de paix, puis il se rend à Paris où il devient journaliste : d'abord employé au Journal, il restera quinze ans au Petit Parisien.

Dès 1930, il publie à compte d'auteur son premier recueil de poèmes, L'Empire et la Trappe, qui attire l'attention de Jean Paulhan et lui ouvre les portes de la N.R.F. Poèmes et romans se succèdent alors avec une grande régularité : un ou deux volumes par an jusqu'à la fin de sa vie. En 1945, Audiberti se met à écrire pour le théâtre, sans abandonner pour autant prose et poésie. Mais c'est le théâtre qui lui apporte la notoriété : Quoat-Quoat (1946, Gaîté-Montparnasse) connaît un médiocre succès, ainsi que Le mal court lors de ses premières représentations (1947, Théâtre de poche). Mais La Fête noire (1948, La Huchette), Les Femmes du bœuf (1948, Comédie-Française), Pucelle (1950, La Huchette), et surtout Le mal court, à sa reprise, toujours avec Suzanne Flon (1955, La Bruyère), font d'Audiberti l'un des premiers auteurs dramatiques contemporains. Pendant les dix dernières années de sa vie, il a poursuivi, au même rythme, son œuvre opiniâtre. Quelques critiques rétrogrades n'avaient cependant pas désarmé : après avoir inutilement déconseillé aux spectateurs de voir Le mal court, ils organisèrent un chahut d'honneur, en 1962, lors de la création de La Fourmi dans le corps à la Comédie-Française.

De 1964 à 1965, Audiberti a tenu un journal, dense et insaisissable, émouvant et ambigu, qui a paru quelques semaines après sa mort sous le titre Dimanche m'attend.

Jacques Audiberti n'a pas été un auteur précoce. On peut d'ailleurs observer que son œuvre s'est construite en trois étapes. Ses premiers poèmes paraissent en 1929 (il a donc trente ans). En 1938, il publie son premier roman, Abraxas. Et ce n'est qu'en 1946 qu'il commence véritablement sa carrière d'auteur dramatique. Il est donc assez légitime de considérer tour à tour chacun de ces genres, bien qu'ils révèlent une remarquable unité de ton.

Écrits dans une forme très classique (alexandrins, odes et sonnets), les poèmes d'Audiberti possèdent déjà cette puissance verbale qui n'appartiendra finalement qu'à lui. La richesse et la violence des images servent un propos encore curieusement « humaniste » : l'irritation décontenancée que le poète éprouve devant l'existence du mal trouve une résolution naturelle dans l'espoir d'une destinée humaine plus haute et, finalement, victorieuse. « Naturelle » est le mot qui convient exactement ici, puisque c'est dans le spectacle d'une nature contrastée et toujours triomphante que le poète plante son optimisme. Cette vision s'est toutefois sensiblement modifiée au cours des années : les poèmes de Toujours et de Rempart ne manifestent plus la même confiance dans l'avenir de l'homme.

Dès Abraxas, Audiberti décrit un univers romanesque qu'il n'abandonnera plus. Dans cet univers, se côtoient sans cesse le fantastique et le quotidien. Il s'agit là d'un matériau littéraire que[...]

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