BRUGNON JACQUES (1895-1978)
Le « crocodile » René Lacoste notait en ces jours de septembre 1927 qui virent les tennismen français arracher la Coupe Davis aux Américains : « À Philadelphie, Tilden ne pouvait être battu par aucun joueur, il fut battu par une équipe. » Dans un sport individuel comme le tennis, les Mousquetaires ont fait la preuve que l'esprit d'équipe avait sa place. Un homme modeste et discret est pour beaucoup dans cette aventure qui reste une des grandes pages du sport français. Cet homme, moins doué que Borotra, moins résistant que Cochet, moins fin tacticien que Lacoste, ce fut Jacques Brugnon. Il n'est pas exagéré d'avancer que si la chance de Brugnon, Toto comme on l'appellera sur tous les courts du monde, fut de rencontrer les Mousquetaires, celle du tennis français fut d'avoir dans ses rangs un homme possédant son calme et sa maîtrise.
Né à Paris le 11 juin 1895, Toto Brugnon était l'aîné de ses camarades de l'équipe de France. Sa vie est indissociablement liée à l'histoire du tennis international car, non content d'en être un acteur, il en fut aussi un témoin fidèle cher aux lecteurs de Tennis et Golf. Brugnon n'a pas connu les grands triomphes de ses trois compagnons, mais il fut un remarquable joueur de double à une époque où le double n'était pas la discipline mineure qu'elle est devenue. Son jeu n'était pas sans lacune, en particulier son smash qui n'était qu'une « gifle », « la gifle Brugnon », une sorte de volée haute frappée à plat, mais il compensait ses faiblesses techniques par un sens du jeu et du placement et par l'adresse qui lui permettait de retourner les services les plus violents à l'endroit le plus propice. Il mit au point un coup redoutable, le lob lifté, que tous les joueurs de tennis possèdent désormais dans l'arsenal de leurs coups.
Jacques Brugnon fut international pour la première fois en 1920 et entra dans la carrière en tant que sélectionné de l'équipe de Paris qui affronta les Londoniens. Cette année-là, il appartint à l'équipe de France envoyée aux jeux Olympiques d'Anvers où Max Decugis et Suzanne Lenglen remportèrent le double mixte. Son premier club fut le Stade français en 1912. Puis il entra au Sporting Club de Paris avant de rejoindre, en 1919, le prestigieux Racing Club de France. Ses premières victoires remontent à 1921, année où il remporta, rareté dans son palmarès, le titre de champion de France sur court couvert en simple. Deux autres fleurons s'ajoutent à ce palmarès en simple : un titre de champion d'Angleterre sur terre battue, à Torquay, et une place en demi-finale du simple à Wimbledon où il ne fut défait qu'en cinq sets par l'Américain Kinsey.
1927 fut la grande année Brugnon. Le classement mondial de cette année-là le donna numéro 9, la meilleure place qu'il ait jamais obtenue.
Sa gloire est associée à la conquête du Saladier d'argent que, en 1900, un jeune homme nommé Dwight Davis avait mis en compétition. En 1925 et en 1926, les Français avaient échoué de justesse ; l'année suivante, ils partirent pour les États-Unis animés d'un sentiment de conquête. Les Mousquetaires : Borotra, Brugnon, Cochet, Lacoste, l'emportèrent en dépit du fabuleux William Tatum Tilden. En cette même année 1927, Brugnon gagna les championnats des États-Unis sur court couvert, les championnats de France sur terre battue, toujours en double.
Entre 1920 et 1935, Brugnon disputa 37 matches de Coupe Davis (31 doubles et 6 simples). Il gagna 6 fois les doubles des Internationaux de France sur terre battue, 4 doubles messieurs à Wimbledon (en 1926 et 1928 avec Henri Cochet et en 1932 et 1933 avec Jean Borotra). L'Australie le couronna en double en 1928, et il excella également en mixte, particulièrement avec Suzanne Lenglen avec qui il gagna 5 fois l'épreuve[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Michel JOLY : journaliste
Classification
Média