CALLOT JACQUES (1592-1635)
Le séjour à Florence
Le 18 octobre 1614, il est admis parmi les artistes pensionnés des Offices et reçoit sa première commande officielle, celle des seize planches de la Vie de Ferdinand Ier, d'après des compositions de Jacopo da Empoli, Matteo Rosselli et Bernardino Poccetti. Commence alors une période d'activité intense qui va durer sept années. D'après Baldinucci, c'est grâce à Parigi que Callot approfondit les langages du dessin à la plume et de l'eau-forte, et développe son goût pour les figures minuscules qui animeront les fonds des Balli di sfessania ou conquerront en foules animées la Foire d'Impruneta, dédiée en 1620 à Cosme II, chef-d'œuvre d'observation minutieuse préparé par des dizaines d'études de figures (Offices, Florence ; Ermitage, Saint-Pétersbourg). Fréquentant l'académie artistique dirigée par Parigi, Callot se familiarise aussi avec le paysage, le dessin d'architecture et les problèmes mathématiques de la perspective. Il en tire parti dans la commande grand-ducale des Vues de la Terre sainte et dans le Siège de Gradisca, gravé pour Jean de Médicis, dont on ne connaît aucune épreuve. Toujours selon Baldinucci, c'est Parigi qui sut encourager le jeune Lorrain à se débarrasser du style « maniéré et grotesque » de ses premiers croquis et à dessiner inlassablement d'après nature. Des feuilles précoces de dessins d'anatomie – notamment d'après l'Écorché de Cigoli – témoignent en effet de ces efforts.
Surtout, la collaboration avec Parigi l'entraîne dans l'expérience directe des cérémonies et des fêtes florentines, dont Callot devient jusqu'à son départ de Florence le « reporter » sensible et enthousiaste. Dans la Guerre d'amour et la Guerre de beauté (1616), il invente un mode de composition de l'espace extraordinairement efficace, déplaçant le regard vers un nouveau protagoniste, la foule des spectateurs, l'être collectif dans sa vitalité expansive. Les Intermèdes (1617), mis en scène par Parigi, lui suggèrent le climat fantastique de la première Tentation de saint Antoine. « Miroir du spectacle » florentin dans son ensemble (Sara Mamone), l'œuvre enregistre avec une sorte de jubilation la gestuelle burlesque de la commedia dell'arte (les Deux Pantalons, les Trois Pantalons) ou les facéties âpres et poignantes des troupes de nains comédiens. Mais certaines de ces suites (les Balli, les Gobbi), préparées à Florence, ne seront achevées qu'à Nancy, comme La Noblesse et des Gueux.
Révolutionnant la technique de l'eau-forte par l'emploi du vernis dur des ébénistes, par la pointe-échoppe, par la pratique de la taille unique et des morsures successives, Callot se dote d'un moyen d'expression qui dépasse le burin en lisibilité et en finesse. Cette nouvelle liberté éclate dans les Caprices (1617), promesse de tous les thèmes chers à l'artiste, et dans l'Éventail (1619), chef-d'œuvre de ce « néo-maniérisme » maîtrisé que révèlent aussi des dessins d'ornement (portraits, pièces d'orfèvrerie). La représentation du Solimano (1619) offre encore une fois à Callot l'occasion d'illustrer un spectacle et d'aborder un exotisme raffiné à travers une splendide série d'études de costumes de Turcs et de Persans. Les Quatre Paysages et les dessins des Paysages italiens (1618-1620), la Grande Chasse sont traversés d'un souffle poétique exceptionnel, qui annonce l'art de Claude Gellée. Mais la mort du grand-duc (1621) met un terme à l'« heureuse saison » florentine (Gianvittorio Dillon). Le nom du graveur lorrain apparaît pour la dernière fois dans la comptabilité médicéenne le 27 mars 1621.
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Écrit par
- Paulette CHONÉ : proffesseur des Universités
Classification
Média
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