CALLOT JACQUES (1592-1635)
Les années lorraines
La suite célèbre des Bohémiens passe parfois pour être le reflet mélancolique et picaresque du voyage de retour. Au printemps, Callot est à Nancy, où il traverse d'abord une période d'intense nostalgie. La protection du duc Henri II tarde à venir, mais, en 1623, elle se traduit par une gratification généreuse. Cette année-là, Callot contracte un mariage avantageux avec Catherine Kuttinger, originaire de la Seille, qui est aussi la région natale de La Tour. En attendant les commandes, il grave à nouveau ses meilleures œuvres florentines, les Caprices, le Massacre des Innocents, la Foire d'Impruneta, ou continue la suite des esquisses au lavis de la Grande Passion (Chatsworth), qu'il ne se risque pas à graver toutes, peut-être parce que leur « intensité dramatique exceptionnelle » (Daniel Ternois) serait trahie par la pointe.
La cour brillante et fantasque du duc Charles IV lui inspire bientôt le Parterre et la Carrière de Nancy. Le Portrait du prince de Phalsbourg et le Combat à la Barrière (1627) marquent le début d'un nouvel équilibre et des travaux de grande ampleur. Peu après, appelé aux Pays-Bas par l'infante Isabel Clara Eugenia, Callot prépare l'ambitieuse représentation du Siège de Breda, qui établit sa réputation auprès des grands. Louis XIII à son tour lui commande le Siège de La Rochelle et le Siège de l'île de Ré. Callot effectue alors de fréquents séjours à Paris (1628-1629) et commence à confier l'édition de ses planches à son ami Israël Henriet.
Ses liens avec le milieu lorrain n'en sont pas moins étroits. Comme l'élite active du duché, il participe au courant de renouveau catholique animé par les franciscains et les jésuites. Il travaille volontiers avec les imprimeurs en gravant des frontispices qui sont des chefs-d'œuvre d'invention. Les Grands et les Petits Apôtres, la Vie de la Vierge, les Images de tous les saints, le Nouveau Testament témoignent d'une adhésion personnelle à une spiritualité exigeante et désignent Callot comme « artiste de la méditation » (Marc Fumaroli). Quant aux recueils d'emblèmes religieux et aux frontispices de thèses, ils montrent que Callot maîtrisait avec une intelligence aiguë et instruite les codes savants de la pensée symbolique.
En 1633, Israël Henriet publie à Paris les Grandes Misères de la guerre, sans doute une commande française destinée à commenter les préoccupations de l'époque sur le droit de la guerre et la conduite des opérations militaires. La furia réaliste et la rigueur inexorable de cette démonstration n'ont pas cessé de toucher les amateurs. Enfin, le génie ironique de Callot se donne carrière dans la seconde Tentation de saint Antoine, publiée en 1635, l'année de sa mort. La veine fantastique que trahit cette planche, contemporaine des années de deuil et de guerre, ne doit pas faire oublier la tonalité d'ensemble d'une œuvre immense – près de mille cinq cents estampes, autant de dessins –, heureuse synthèse de la virtuosité maniériste et de la sensibilité classique.
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Écrit par
- Paulette CHONÉ : proffesseur des Universités
Classification
Média
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