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CAZOTTE JACQUES (1719-1792)

Dans la première partie de sa vie, rien ne semblait destiner Cazotte à la littérature. Il naît en 1719 à Dijon, où son père est greffier des états de Bourgogne et entreprend des études de droit. À Paris, où il vient en 1740, la protection de Maurepas lui permet d'entrer dans l'administration de la marine. Il commet alors quelques œuvres badines, dues à la fréquentation des milieux littéraires et mondains, mais sans songer à faire carrière dans ce genre. Devenu écrivain de la marine en 1743, il s'embarque bientôt pour un long séjour à la Martinique (1747), comme contrôleur aux Îles-sous-le-Vent. À l'occasion d'un congé en France (1752-1754), il participe à la querelle des Bouffons, et l'on a de lui deux brochures sur la musique qui datent de cette époque.

Revenu en France, Cazotte, qui cherche à obtenir une retraite de l'administration, vit soit à Paris, soit dans une maison de campagne près d'Épernay, et se consacre à la littérature. En 1768, il est élu à l'académie de Dijon. Dès 1763, il avait publié un roman, Ollivier, remarquable par la présence d'épisodes magiques qui rappelaient les bizarreries des Contes d'Hamilton. Mais, dans Le Diable amoureux (1772), contefantastique assez court, on s'accorde à reconnaître des qualités autrement sérieuses. On y voit comment un jeune homme, Alvare, se laisse peu à peu séduire puis envoûter par les charmes du diable, déguisé en jeune femme. Le portrait de cette Biondetta met en valeur les ambiguïtés qui précipitent Alvare vers sa chute, pudeur et lubricité, faiblesse et obstination, exigence et soumission. Le mobile premier d'Alvare est une sorte de vertige devant le mal ; par abus de sa liberté, il travaille sciemment, quoique avec terreur, à sa propre ruine. Plus que l'ésotérisme du conte, ce sont ses qualités littéraires qui ont séduit : un spécialiste du roman du xviiie siècle, H. Coulet, a pu dire de ce livre : « La netteté et la simplicité du récit, l'harmonie établie entre le naturel des sentiments et le surnaturel des fantasmagories font penser à l'art de Mérimée. »

C'est à la même époque que Cazotte entretient des rapports, assez mal connus, avec les disciples de Claude de Saint-Martin. Dans son entourage, on s'étonne de voir cet homme, connu pour la gaieté franche et pétillante de ses productions, s'adonner aux rêveries et aux hallucinations de l'illuminisme. La Harpe lui prête une lugubre prédiction, qui daterait de 1788, sur la Révolution. Il est vrai qu'à la différence des martinistes il était royaliste fidèle. Après qu'on eut saisi de lui une correspondance peu équivoque sur ce point, il est arrêté en août 1792 ; interrogé par Fouquier-Tinville, il est une première fois sauvé lors des massacres de Septembre, grâce à l'intervention de sa fille Élisabeth qui lui fait, en l'enlaçant, un rempart de son corps. Mais, repris quelques jours plus tard, il est finalement exécuté le 25 septembre 1792, place du Carrousel. On lui prête cette déclaration : « Je meurs comme j'ai vécu, fidèle à Dieu et à mon roi. » Son fils servit d'ailleurs dans l'armée des émigrés et publia ses Mémoires sous le titre Témoignage d'un royaliste (Paris, 1839).

La plupart de ses œuvres ont été réunies en 1776 sous le titre : Œuvres badines et morales, puis complétées et rééditées plusieurs fois au cours du xixe siècle.

— Denise BRAHIMI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot

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