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CŒUR JACQUES (1395 env.-1456)

Grand bourgeois parvenu du Moyen Âge finissant, Jacques Cœur aura connu, comme Nicolas Fouquet deux siècles plus tard, une ascension éclatante et une chute exemplaire ; comme lui, il aura confondu, dans son rôle de grand argentier, les finances de la France avec les siennes propres ; comme lui, il aura profité pour s'enrichir des troubles intérieurs et de la guerre extérieure. Mais le personnage de Jacques Cœur est plus dur, plus intéressé et parfois environné d'ombres maléfiques. C'est en 1418 que se décide la fortune de ce fils d'un pelletier de Bourges lorsque, après la victoire du parti bourguignon et la signature du traité de Troyes, le futur Charles VII s'installe avec sa cour dans la capitale du Berry. En 1420, son mariage avec la petite-fille du maître de la monnaie de Bourges l'introduit dans les milieux officiels de la ville et de la cour. En 1429, tandis que Jeanne d'Arc mène le dauphin se faire sacrer à Reims, Jacques Cœur, devenu fermier des Monnaies, émet trois cents marcs d'argent au-dessous du titre fixé et garde pour lui la différence. Condamné puis grâcié par le roi, il va devenir le fournisseur de la cour et le pourvoyeur d'argent du roi lui-même qui, en retour, le comblera de ses faveurs et ignorera ses abus. En 1435, il est nommé maître de la Monnaie de Bourges ; en 1439, argentier du roi ; il est anobli en 1441, puis nommé commissaire royal près les états du Languedoc et, en 1445, il reçoit en outre la charge de visiteur général des gabelles en Languedoc. Il est enfin membre du Conseil royal, investi de la confiance d'Agnès Sorel qui le nomme son exécuteur testamentaire, et il reçoit plusieurs missions diplomatiques, notamment auprès du sultan d'Égypte et du pape Nicolas V. De chacune de ces charges, de chacune de ces missions, Jacques Cœur tire profit et avantage.

La misère qui sévit à la fin de la guerre de Cent Ans excite le peuple contre une fortune aussi rapide qu'insolente ; les hauts personnages de l'entourage royal et jusqu'au roi lui-même lui doivent des sommes fabuleuses, scrupuleusement notées dans ses comptes, et sont par là intéressés à le noircir et à le perdre ; les curés l'accusent de vendre des armes au sultan d'Égypte ; porte-parole des marchands, Jean Jouvenel l'accuse d'avoir « empoigné toute la marchandise de ce royaume » ; les seigneurs fieffés, enfin, ne peuvent qu'éprouver de l'aversion pour un homme qui rachète les riches terres de ceux que la guerre a ruinés. Victime de la jalousie générale, de l'ingratitude royale, ou frappé au contraire du juste châtiment de ses exactions, Jacques Cœur est arrêté en juillet 1451 sous l'accusation d'avoir empoisonné la favorite Agnès Sorel, morte l'année précédente, et qui lui avait toujours manifesté son amitié. Amitié ou sentiment d'une autre nature comme le suggère le bas-relief de la maison de Jacques Cœur figurant dans la salle du trésor : il représente Tristan et Iseult endormis et séparés par l'épée, tandis qu'au-dessus d'eux le roi Marc les observe ; Tristan et Iseult ont les traits de Jacques Cœur et d'Agnès Sorel, le roi Marc ceux de Charles VII. Quoi qu'il en soit, lavé de cette accusation, le grand argentier est convaincu de malversations, emprisonné, condamné à payer 400 000 écus en amende et restitution. En 1454, il s'évade du château de Poitiers et demande asile au pape Nicolas V qui lui accorde sa protection. Quelques mois plus tard, le nouveau pontife Calixte III lui confie une flotte pour aller combattre les Turcs, expédition au cours de laquelle il trouve la mort dans l'île de Chio.

Quel est le bilan de cette vie exceptionnelle ? Jacques Cœur a certainement contribué à rétablir la confiance dans la monnaie (gros de Jacques Cœur) et à donner au négoce une nouvelle[...]

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