DROZ JACQUES (1909-1998)
Jacques Droz, né à Paris le 12 mars 1909 et décédé le 3 mars 1998, fut un très grand historien des pays germaniques et des idées politiques. Formé dans sa jeunesse par l'enseignement du philosophe Alain, qui lui apprit l'exigence de la liberté face à tous les pouvoirs, agrégé d'histoire en 1932, il partit pour Cologne afin de rassembler la documentation pour la thèse de doctorat qu'il préparait sur l'influence de la Révolution française sur la pensée politique des Rhénans et le libéralisme rhénan jusqu'en 1848. C'était là se lancer sur un sujet qui avait occupé une très grande place dans l'histoire de l'Allemagne contemporaine, dans les historiographies allemande et française et dans les relations franco-allemandes : qui sont les Rhénans ? Quelle place ont-ils trouvée dans l'Allemagne en voie d'unification ? Quelle y fut leur influence ? Prenant ses distances avec des interprétations traditionnelles de l'historiographie universitaire française, Droz montra que les Rhénans, certes marqués par leur cohabitation avec la France révolutionnaire et napoléonienne, n'en furent pas pour autant acquis à une tradition perpétuelle de francophilie et qu'ils étaient prêts à se rallier à la Prusse, dont ils devinrent les sujets en 1815, pourvu qu'elle fût libérale. Le triomphe de la réaction en Prusse les conduisit à revendiquer leurs caractères originaux.
Professeur au lycée de Colmar, il fut mobilisé en 1939, fait prisonnier en 1940 et s'évada. Pendant les années d'occupation, il enseigna dans des lycées parisiens. Sa thèse était rédigée dès 1940, mais il attendit 1945 pour la soutenir. Nommé à la Libération professeur au lycée Fustel de Coulanges et à l'Institut d'études politiques de Strasbourg, et bientôt maître de conférences à Dijon, il enseigna à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand de 1947 à 1962, tout en continuant à donner des cours au Centre d'études germaniques de Strasbourg. Son séjour à Clermont et les responsabilités qu'il y exerça furent particulièrement fructueux. Il fit en quelques années de cette faculté de province un peu endormie un haut lieu de l'activité universitaire et de la vie intellectuelle, y accueillant des talents aussi divers que René Rémond, Michel Foucault, Michel Serres, Pierre Vilar, Albert Soboul. Pierre Ayçoberry, qui devint un maître de l'histoire contemporaine de l'Allemagne, y fut son très actif collaborateur. Au cours de ces années, Droz publia, entre autres, Les Révolutions allemandes de 1848 (1957), Histoire diplomatique de 1648 à 1919 (1959), L'Europe centrale. Évolution historique de l'idée de « Mitteleuropa » (1963).
Élu en 1962 à la Sorbonne, il y développa l'enseignement et la recherche sur l'Allemagne contemporaine. Après les événements de 1968, il prit avec enthousiasme la direction du nouveau centre universitaire de Vincennes. Savant de renommée internationale et riche de son expérience administrative d'ancien doyen de la faculté de Clermont-Ferrand, il pouvait légitimement espérer en faire une grande université. Sa déception fut cruelle. Son attachement sans compromis aux valeurs d'honnêteté intellectuelle, de liberté et de responsabilité, et à la qualité du travail universitaire, indépendamment de toute pression politique, fit de lui la cible d'excités, qui en vinrent à des agressions physiques. Profondément blessé, il revint à la Sorbonne.
Il présida le jury de l'agrégation d'histoire de 1967 à 1974. Sans délaisser l'histoire de l'Allemagne (il dirigea une Histoire de l'Allemagne de 1789 à nos jours en 4 volumes, 1970-1976, et publia Les Causes de la Première Guerre mondiale, essai d'historiographie, 1973, sur un problème considérable relancé par les travaux de l'historien[...]
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Écrit par
- Jacques BARIÉTY : historien, professeur émérite à la Sorbonne
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