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DUHAMEL JACQUES (1924-1977)

Engagé dès dix-sept ans dans la Résistance, élève de la première promotion de l'E.N.A., auditeur au Conseil d'État, qu'il quitte bientôt pour suivre Edgar Faure dont il devait notamment diriger le cabinet à l'hôtel Matignon en 1955, titulaire ensuite de hauts postes administratifs, Jacques Duhamel s'engage en 1962 dans la carrière politique.

Élu député du Jura (il sera réélu en 1967 et en 1968), bientôt conseiller général (1964) puis conseiller municipal (1965) et maire (1968) de Dôle, qu'il modernise tout en revalorisant son patrimoine culturel, il milite dans l'opposition pour la constitution d'un centre rénové ; il est l'un des principaux artisans d'une grande fédération du centre et de la gauche non communiste ; après l'échec de cette tentative, il pressent que le rapprochement avec la majorité est dicté par la bipolarisation, mais il n'entend pas que le centre devienne, dans un rapport de forces trop inégal, l'otage du gaullisme. Ce n'est qu'en 1969, avec l'élection de Georges Pompidou, qu'il convainc son groupe politique et une fraction décisive de l'électorat d'entrer dans la majorité pour infléchir son action dans la triple perspective sociale, libérale et européenne. Il s'y emploie efficacement en fondant le Centre démocratie et progrès avec Joseph Fontanet et René Pleven, qui entrent avec lui au gouvernement. De 1969 à 1973, ministre de l'Agriculture puis des Affaires culturelles, il est un ministre dynamique et un leader écouté. Des raisons de santé l'obligent à s'éloigner des responsabilités ministérielles, en 1973, puis locales, en 1975 ; mais, pendant les quatre années qui lui restent à vivre, il reste un conseiller et un inspirateur là où, sans les coups du destin, il eût été l'un des maîtres du jeu.

Mais il faut aller au-delà de ces apparences. Exposée aux regards, la vie des hommes publics tout à la fois révèle et dissimule leur secret. Né avec tous les dons et beaucoup de privilèges, Jacques Duhamel semblait voué à une existence facile. Toutefois, sous des dehors brillants, sa vie est un itinéraire de souffrance où on le vit non seulement assumer un destin cruel mais se dépouiller de toutes les facilités pour ne plus rayonner, au pouvoir puis dans l'épreuve, que de lucidité et de générosité. Les vingt-trois mois qu'il passe au ministère des Affaires culturelles ont été le temps fort de ce qu'il faut bien appeler cette sublimation : « D'abord continuer, ensuite commencer », disait-il souvent. Il n'arriva pas rue de Valois avec des projets mirifiques. Ce grand commis de l'État, cet homme de culture ami, dès l'adolescence, des plus grands créateurs, abordait sa tâche avec autant de modestie que de passion. Mais il n'est pas interdit à un gestionnaire d'être aussi un visionnaire. Avant tout soucieux de la crédibilité de l'action de l'État dans un domaine où la puissance publique est généralement envahissante mais impécunieuse, il a en quelque sorte voulu réaliser, selon le mot d'un des animateurs à qui il sut faire confiance, « une gestion rigoureuse au service de l'utopie ».

Désarmant les préventions par son ouverture d'esprit, et les manœuvres par sa loyauté, il sut poser les bases d'une action culturelle qu'on n'a pu, après lui, que poursuivre, chaque fois, du moins, que l'État n'a pas cédé à la tentation du caprice ou de l'avarice. Aussi éloigné de ceux qui n'envisagent la culture que sous les aspects rassurants du patrimoine que de ceux qui, répudiant l'héritage, se vouent à l'esthétique du n'importe quoi, il fut l'artisan d'une culture renouvelée qu'il définissait comme « ce qu'il faut pour qu'une journée de travail soit une vraie journée de vie ». Rénovant les grandes institutions comme l'Opéra et la Comédie-Française, développant[...]

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