FRIEDEL JACQUES (1921-2014)
Né le 11 février 1921 à Paris et décédé le 27 août 2014, le physicien Jacques Friedel a été un des acteurs majeurs en France du développement de la physique théorique des solides. Il a notamment contribué avec succès à l’élucidation de la structure électronique des composés métalliques et à l'étude des défauts présents dans ces matériaux.
Jacques Friedel est né dans une famille de scientifiques de renom : son aïeul Charles Friedel (1832-1899), minéralogiste et chimiste, son grand-père Georges Friedel (1865-1933), géologue cristallographe, et son père Edmond Friedel (1895-1972), géologue et enseignant à l’École des mines, ont constitué une lignée de « mandarins », selon l’expression qu’il choisit dans son autobiographie (Graine de mandarin, Odile Jacob, Paris, 1994). Après des études à l’École polytechnique puis à l’École des mines, il prépare une thèse de doctorat de 1949 à 1952 à l'université de Bristol (Royaume-Uni) dans le laboratoire du physicien Nevill Francis Mott (1905-1996), prix Nobel de physique 1977 pour ses recherches théoriques fondamentales sur la structure électronique des systèmes magnétiques et désordonnés. Après avoir épousé la belle-sœur de Mott, Friedel revient en 1952 en France et soutient en 1954 sa thèse de doctorat d’État portant sur le calcul des propriétés électriques des alliages métalliques. Deux ans plus tard, il devient maître de conférences à la Sorbonne avant d’être nommé en 1959 professeur à la nouvelle faculté des sciences qui deviendra l’université Paris-Sud à Orsay (Essonne). Il y crée avec André Guinier et Raimond Castaing le laboratoire de physique des solides, qui accueillit notamment les futurs prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes et Albert Fert.
Dès sa thèse à Bristol, Friedel s’intéresse à la description physique des défauts cristallins et des impuretés présents dans les solides et à leur impact sur les propriétés de ces matériaux. Ses premiers travaux concernent la dynamique des réseaux de dislocation (les défauts ou lacunes cristallines), leur stabilité et leur évolution sous diverses sollicitations. Se focalisant ensuite sur les propriétés électroniques des solides, il introduit et développe avec de nombreux élèves et collaborateurs l’étude des propriétés des alliages métalliques dilués. Il privilégie une description où les électrons réagissent indépendamment les uns des autres, comme des particules fortement liées mais faiblement corrélées. Il décrit, par exemple, l’effet des impuretés en démontrant que la variation de la densité électronique décroît comme l’inverse du cube de la distance entre les particules. Ces « oscillations de Friedel » se révélèrent importantes et générales et sont maintenant observées directement par microscopie à effet tunnel. Friedel démontre en 1956 que, dans certains cas, les états localisés de l’impureté interagissent faiblement avec le continuum des états électroniques de conduction ; certains électrons restent alors longtemps sur le site d’impureté avant de sauter sur un site voisin, ce qui entraîne une forte augmentation de certaines propriétés comme la chaleur spécifique ou la résistivité. Ce modèle de « l’état virtuel de Friedel » a été généralisé en 1961 par Philip W. Anderson (Prix Nobel 1977). Avec André Blandin (1933-1983), Friedel montre que les impuretés interagissent entre elles en oscillant, et que ce mécanisme explique l’ordre local présent dans les alliages. Ils démontrent aussi que lorsque les impuretés sont magnétiques, elles induisent à basse température un nouvel ordre antiferromagnétique aléatoire (appelé « verre de spin »).
Médaille d’or du C.N.R.S., membre (1977-2014) et président (1992-1994) de l’Académie des sciences, Jacques Friedel a durablement marqué la vie scientifique française en participant notablement[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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