LARTIGUE JACQUES HENRI (1894-1986)
Une exposition-rétrospective en miroir
Après d'autres grandes figures de la photographie, tels Man Ray et Brassaï, le Musée national d'art moderne du Centre Georges-Pompidou, en collaboration avec la Donation Jacques-Henri Lartigue, dirigée par Martine d'Astier, a rendu hommage – du 4 juin au 22 septembre 2003 – à l'œuvre de l'artiste. Pour la première fois, étaient visibles une centaine de ses albums privés (sur les 130 constitués), d'un format 53 cm × 37 cm.
L'exposition s'attachait à mettre en scène, avec maestria, une structure en miroir. D'un côté, les conditions de l'accès au mythe... De l'autre, la suite, le déploiement des albums – doubles pages choisies un peu arbitrairement, offertes sous vitrines –, où la résurrection du passé ne peut être appréhendée que par le travail de retraitement, d'arborescence et de recyclage de la mémoire. Dans une salle lumineuse, était reconstitué le premier et légendaire accrochage de Lartigue, organisé en 1963 par John Szarkowski, au Musée d'art moderne de New York (MoMA). Quarante et une photographies isolées, agrandies, parfois recadrées, puisées et célébrées dans la genèse de l'œuvre. D'autres salles présentaient cent trente images symboliques et quarante vues stéréoscopiques. Désincorporées, expressément « représentativisées », esthétiquement autonomes, leur point de vue obéit, en effet, à une logique en tout point opposée à celle qui préside au dessein inaugural, soit le « montage narratif » d'une reconstruction autobiographique. Substrats temporels plus proches de l'archive, les albums sont moins la production d'une préoccupation artistique qu'un immense entassement de « talismans personnels » contre l'oubli. Pour clore le parcours, les séquences des 14 423 mises en pages composant les albums se feuilletaient, strate par strate, diffusées sur quatre grands écrans. Cependant, le témoin a rejoint l'homme obsédé. La grâce créatrice a touché l'enfant fou du bonheur : les images de Lartigue proposent une beauté d'une constante invention. Mais cette beauté ne doit pas être perçue selon des critères purement formels : chez Lartigue, elle se confond avec un style de vie, pensé sur le mode de l'écriture de soi.
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Écrit par
- Elvire PEREGO : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France
Classification
Autres références
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PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple
- Écrit par Hervé LE GOFF et Jean-Claude LEMAGNY
- 10 750 mots
- 20 médias
...proche du travail d'un Christian Boltanski ou d'un Jean Le Gac. Rétrospectivement, le journal intime photographique qu'est l'œuvre de Jacques-Henri Lartigue, à partir de 1902, prend de ce point de vue un singulier relief. Dans The Lines of my Hand (1972), Robert Frank revoit sa vie à...