HITTORFF JACQUES IGNACE (1792-1867)
Fils unique d'une famille d'artisans rhénans aisés qui le destine au métier d'architecte, Jacques Ignace Hittorff, né le 20 août 1792, est orienté dès sa jeunesse vers cette profession : apprentissage comme maçon, cours de mathématiques et de dessin. Bénéficiant des droits de citoyen français — sa ville natale, Cologne, est annexée à l'Empire depuis 1794 —, le jeune Hittorff jouit du privilège de pouvoir envisager l'achèvement de ses études à l'École impériale et spéciale des beaux-arts. Il part ainsi en 1810 comme maints artistes de l'époque pour Paris et, après son admission au concours des Beaux-Arts, il entre dans l'atelier de Charles Percier, qui le remarque aussitôt. L'année suivante, il collabore au chantier de la première grande construction métallique réalisée en France, la Halle au blé, sous la direction de François-Joseph Bélanger. Le jeu des accords internationaux du congrès de Vienne (1814), qui attribue les provinces rhénanes au lendemain de la chute de l'Empire à la Prusse, lui fera perdre le droit de poursuivre ses études. Désormais étranger, Hittorff ne peut plus espérer « monter en loge » pour préparer le concours du grand prix de Rome. Bélanger, qui avec le retour des Bourbons retrouve le poste d'architecte des Fêtes et Cérémonies royales, le prendra à ses côtés en même temps qu'un autre jeune architecte, Joseph Lecointe. Sous la direction de leur maître et seuls après son décès en 1818, Hittorff et Lecointe dessinent les décors des solennités de la cour : cérémonie commémorative dédiée à Louis XVI, pompe funèbre de Louis XVIII, baptême du duc de Bordeaux, sacre de Charles X à Reims...
Puis Hittorff fait des voyages d'étude : à Berlin il rencontre Karl Friedrich Schinkel. Mais son plus ardent désir est de visiter l'Italie pour y entreprendre quelques fouilles et reconstitutions archéologiques à l'exemple des « antiquaires » anglais et lauréats du grand prix de Rome qui séjournent à la villa Médicis. Hittorff part à ses propres frais pour un voyage qui le conduira d'abord à Rome. De septembre 1822 à juin 1824, accompagné par son compatriote Ludwig von Zanth, il fait de nombreux relevés, notamment de l'architecture antique de la Sicile. À son retour, Hittorff présente aux membres de l'Académie des beaux-arts le fruit de ses recherches, qui donneront lieu à plusieurs publications, ainsi que sa théorie sur la polychromie des édifices antiques (Architecture moderne de la Sicile ou Recueil des plus beaux monuments religieux et des édifices publics et particuliers, les plus remarquables des principales villes de Sicile, Paris, 1835 ; Restitution du temple d'Empédocle ou Architecture polychrome chez les Grecs, Paris, 1851 ; L'Architecture antique de la Sicile, recueil des monuments de Ségeste et Sélinonte, mesurés et dessinés par Hittorff et Zanth suivi de Recherches sur l'origine et le développement de l'architecture religieuse chez les Grecs, Paris, 1870).
Sa doctrine, qui tend à prouver que la coloration de l'architecture antique a été intégrale, est spectaculaire ; elle rompt avec les préceptes esthétiques de l'idéal néoclassique, attire l'attention des milieux savants de l'Europe entière et déclenche durant près de quinze ans une querelle parmi les érudits.
Marié depuis 1824 à la fille de l'architecte Jean-Baptiste Lepère, Hittorff s'installe définitivement à Paris, où il entame une carrière fulgurante. Avec Lecointe il restaure la salle Favart (1825) et reconstruit l'Ambigu-Comique (1828). Mais les réalisations qui ont fait sa célébrité datent de la décennie suivante. En 1832, Hittorff est nommé officiellement architecte de la future église Saint-Vincent-de-Paul (1832-1844), initialement commandée à son beau-père. Cet édifice, Hittorff[...]
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Écrit par
- Thomas von JOEST : historien d'art
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