JULLIARD JACQUES (1933-2023)
Historien et éditorialiste engagé
Participant activement à la revue d’histoire sociale Le Mouvement social, fondée par Jean Maitron en 1960, l’historienJacques Julliard consacre plusieurs travaux au syndicalisme(Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d’action directe, 1971 ; Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, 1988). Il met en avant la figure de Georges Sorel, à qui il consacre un colloque en 1982. À partir de 1983, il anime avec Shlomo Sand les Cahiers Georges Sorel, qui deviennent la revue Mil Neuf Centen 1989.
À partir de 1969, Jacques Julliard collabore au Nouvel Observateur, l’hebdomadaire de la « deuxième gauche », et en devient l’un des principaux éditorialistes, commentant d’une plume alerte l’actualité politique, tâche qu’il poursuivra après 2010 dans l’hebdomadaire Marianne, ainsi qu’au Figaro. L’éditorialiste Jacques Julliard se montre attentif aux évolutions de la société, soucieux de la démocratie sociale et politique, mais aussi sensible aux grands conflits du moment, comme le montre son engagement résolu en faveur de la Bosnie au cours la guerre en ex-Yougoslavie, dans les années 1990. De 1982 à 1986, il aura dirigé la revue Intervention, proche de Michel Rocard, qui cherche à diffuser les idées et les analyses du futur Premier ministre de François Mitterrand.
C’est fort de cette longue expérience et de cette position originale que le lecteur attentif d’Albert Thibaudet qu’il fut tira la matière de deux synthèses, l’une consacrée aux intellectuels (Dictionnaire des intellectuels français, 1996, codirigé avec Michel Winock), l’autre à la gauche, ou plutôt aux gauches françaises (Les Gauches françaises. 1762-2012 : Histoire, politique et imaginaire, 2012). Mais la part la plus personnelle de son œuvre, et sans doute la plus libre, est celle où, sans renoncer à l’exigence formulée par Emmanuel Mounier qu’il aimait à citer – « l’événement sera notre maître intérieur » –, il chemine en compagnie de ses auteurs de prédilection et nous fait partager leur inquiétude spirituelle (Le Choix de Pascal, entretiens avec Benoît Chantre, 2003 ; L’Argent, Dieu et le diable. Face au monde moderne avec Péguy, Bernanos, Claudel, 2008 ; Le Choc Simone Weil, 2014). De ces ascendants majeurs, marginaux chacun à sa manière, il retient peut-être avant tout une morale, qui conjugue intégrité personnelle, souci de la justice, lucidité sur le monde, refus du règne de l’argent, « refus de parvenir ». Ainsi, s’il aimait à se définir comme « social-démocrate à 52 %, traditionaliste à 24 % et libertaire à 24 % », Jacques Julliard était-il peut-être avant tout un moraliste. Il est mort le 8 septembre 2023 à Antony (Hauts-de-Seine).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Joël ROMAN
: philosophe, ancien rédacteur en chef de la revue
Esprit
Classification