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KERCHACHE JACQUES (1942-2001)

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Le collectionneur et expert de sculpture dite primitive Jacques Kerchache est né à Rouen en 1942. Très jeune, il rencontre le poète Max-Pol Fouchet, se passionne pour l'art et ouvre, en 1960, rue des Beaux-Arts à Paris une galerie où alternent les expositions de jeunes artistes (Robert Malaval, Pol Bury, Sam Szafran...) et celles dévolues aux arts primitifs – pour lesquels il invente dans les années 1970 l'expression « Arts premiers ». En 1980, il cesse ses activités commerciales pour se consacrer à l'organisation d'expositions jusqu'à sa mort en 2001, à Cancún, sur la côte est du Mexique.

De 1959 à 1980, Jacques Kerchache réalise plusieurs voyages d'étude : en 1961, il fait un séjour en Indonésie pour étudier les arts anciens de ce pays ; de 1965 à 1969, il effectue de nombreuses expéditions en Afrique noire (études des Fang, des Bakota, découverte des Mahongwé ; voyages en Côte-d'Ivoire ; étude du vaudou au Bénin, des Konso en Éthiopie ; voyages au Cameroun, dans l'est du Nigeria...).

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De 1973 à 1980, ce voyageur infatigable entreprend de réaliser, selon ses propres mots, « un inventaire critique des musées et de leurs réserves ». Il sillonne alors le monde et acquiert une connaissance encyclopédique des collections d'art primitif.

Dès 1963, Jacques Kerchache organise quantité d'expositions dans sa galerie : La Tête – Amérique, Océanie, Afrique (1966), le catalogue comprend un texte de Max-Pol Fouchet ; Le M'boueti des Mahongoue (1967) avec un texte de Claude Roy ; Îles Tabar (1971) ; Les Lobi (1974).

Il est également consultant pour des expositions marquantes : en 1970, Die Kunst von Schwarz-Afrika (l'art de l'Afrique noire) présentée à la Kunsthaus de Zurich puis, en 1984, Primitivism in the 20th Century au Museum of Modern Art de New York, en 1990, Afrikanishe Skulptur Die Erfindung der Figur (L'invention de la figure dans la sculpture africaine) au musée Ludwig de Cologne ; À visage découvert, en 1992, à la Fondation Cartier à Paris, et enfin Africa the Art of a Continent à la Royal Academy of Arts de Londres, en 1995.

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Outre ses articles, ses préfaces et ses catalogues, Jacques Kerchache est l'auteur avec Jean-Louis Paudrat et Lucien Stéphan d'un ouvrage de référence : L'Art africain.

Il fut également commissaire de nombreuses expositions : Sculpture africaine (hommage à André Malraux), à la Villa Médicis à Rome en 1986 ; L'Art des sculpteurs taïnos (chefs-d'œuvre des Grandes Antilles précolombiennes) en 1994 au Petit Palais à Paris, où il fit découvrir, dans une présentation raffinée et rigoureuse devenue sa signature, ces arts méconnus à un vaste public ; Picasso/Afrique : État d'esprit au Centre Georges-Pompidou (1995). Il organise également en 1996 à l'Espace Paul Rebeyrolle Botchios – Sculptures Fon, Bénin ; puis l'année suivante Patrick Vilaire, Réflexion sur la mort à la Fondation Cartier ; en 1998 enfin, il fait une installation intitulée Nature démiurge de sa stupéfiante collection d'insectes pour l'expositionÊtre Nature de la Fondation Cartier.

Depuis les années 1980, perpétuant une volonté formulée dès 1909 par Guillaume Apollinaire, Jacques Kerchache avait entrepris de faire entrer au Louvre les arts primitifs afin qu'ils y soient pleinement reconnus. Grâce à sa pugnacité et à l'écho favorable rencontré par son projet auprès du président de la République Jacques Chirac dès son élection en 1995, le pavillon des Sessions du Louvre accueillit en avril 2000 plus de 110 chefs-d'œuvre de la sculpture d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques. Il dirigea parallèlement un catalogue monumental où chaque sculpture bénéficia, pour la première fois en France dans ce domaine, d'un appareil critique comparable à celui que les historiens de l'art établissent pour les chefs-d'œuvre de l'art occidental. Ainsi, cette manifestation (concrétisation de son « musée imaginaire »), avec son mode d'exposition sobre et extrêmement travaillé, constitue un jalon important dans l'histoire des arts dits primitifs. Son rôle, dès 1995, dans la conception du futur musée du quai Branly est majeur.

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Par ses choix esthétiques engagés, sa formidable vitalité, son charisme, Jacques Kerchache a marqué durablement le monde des arts. Sélectionner des chefs-d'œuvre pour les exposer était devenu son moyen d'expression ; tel un artiste, il mettait en scène les sculptures afin de révéler au plus vaste public le génie de leur créateur. Véritable auteur, il était passé maître dans l'art de la mise en espace, toujours au service de la sculpture. Son œuvre majeure (visitée par plus de 600 000 personnes la première année) est sans conteste la présentation du pavillon des Sessions au Louvre.

— Vincent BOULORÉ

Bibliographie

J. Kerchache, J.-L. Paudrat & L. Stéphan,L'Art africain, Citadelles et Mazenod, Paris, 1988

J. Kerchache et al., L'Art des sculpteurs taïnos. Chefs-d'œuvre des Grandes Antilles précolombiennes, catal. expos., musées de la Ville de Paris, 1994

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Jacques Kerchache, portraits croisés, M. Berthenod dir., Gallimard-musée du Quai Branly, 2003.

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Écrit par

  • : docteur en arts et sciences de l'art, université de Paris-I, historien de l'art

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Autres références

  • QUAI BRANLY-JACQUES CHIRAC MUSÉE DU, Paris

    • Écrit par et
    • 3 200 mots
    • 1 média

    Présenté comme l'institutionnalisation d'une forme d'art qui, jusqu'alors, n'existait que dans les vitrines des musées d'ethnologie ou au travers du marché de l'art, le projet de musée des Arts et Civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques,...

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