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LACAN JACQUES (1901-1981)

Jacques Lacan a dominé pendant trente ans la psychanalyse en France. Il l'a marquée de son style ; il y laisse une trace ineffaçable. Aimé et haï, adoré et rejeté, il a suivi sa voie sans s'en écarter, ne laissant personne indifférent, s'imposant même à ceux qui ne voulaient pas de lui. Pour les psychanalystes, son œuvre et sa pensée sont incontournables, quelles qu'en soient les contraintes, les difficultés, voire les limites. Il n'a pas seulement, comme les élèves de Freud puis les analystes de la seconde génération tels Melanie Klein, Donald W. Winnicott et Wilfred R. Bion, enrichi la psychanalyse d'un apport original et personnel. Il a été le seul à reprendre et refondre dans son ensemble l'œuvre du fondateur, et à lui rendre l'hommage de la cohérence des voies et des rigueurs auxquelles elle dut se plier pour produire et imposer l'existence de l'inconscient. Il fut le seul à se donner la double ambition de faire revivre une parole à ses yeux oubliée et trahie, et de tenter d'y égaler la sienne.

Lacan le « stylite »

Né à Paris dans une famille catholique et bourgeoise, il fut, après des études de médecine et de psychiatrie, interne de Gaétan Gatien de Clérambault, son « seul maître en psychiatrie » et l'un des rares qu'il se reconnût dans sa vie. En 1932, il soutient sa thèse de doctorat sur La Psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité. Thèse publiée, où se lisent un sens étonnant de la clinique, une culture et une érudition sans faille et un souci de l'exhaustion du sujet qui ne lui fait pas ignorer la psychanalyse, à une date où sa diffusion en France se heurte à des résistances et des préjugés inconnus dans d'autres pays. C'est une thèse de psychiatre ; il n'est pas encore psychanalyste. Il fréquente les surréalistes, qui saluent les premiers le caractère révolutionnaire des découvertes freudiennes. Ils les situent d'emblée dans le langage, en célèbrent les fonctions poétiques et se reconnaissent dans celui qui voit dans les productions de l'inconscient de véritables œuvres d'art. Lacan écrit sur le crime des sœurs Papin, s'intéresse à des paradoxes logiques et suit, à l'École pratique des hautes études, le séminaire d'Alexandre Kojève – un autre de ses maîtres – sur Hegel. Il y rencontre Raymond Aron, Raymond Queneau, Pierre Klossowski, Maurice Merleau-Ponty, Alexandre Koyré et Georges Bataille. En analyse avec Rudolph Loewenstein, il devient en 1934 membre adhérent de la Société psychanalytique de Paris. Deux ans plus tard, au XVIe congrès psychanalytique international de Marienbad, il fait une communication sur « Le Stade du miroir ». Son histoire se confond dès lors avec celle de la psychanalyse.

Il fut un homme de parole, – la parole de l'analyste, qu'il souhaitait rompu à son exercice et dont elle est l'unique ressort, lui qui « se distingue en ce qu'il fait d'une fonction commune à tous les hommes un usage qui n'est pas à la portée de tout le monde, quand il porte la parole ». Contre toutes les objectivations et réductions de la parole à un pur usage d'information, il n'a cessé d'en rappeler la valeur constituante pour le sujet et pour toute vérité définissable dans le champ de l'inconscient. Sa parole fut aussi celle de l'enseignant du « séminaire » où, semaine après semaine, il sut avec génie donner vie – et parfois redonner vie – à la psychanalyse. Plusieurs générations d'analystes s'y formèrent, suivant le maître au long de ses déplacements. Son audience dépassa largement le cercle de ses auditeurs. On doit à cet enseignement – tout autant qu'à la publication, somme toute assez tardive, des Écrits – que, pour beaucoup, il soit impossible de penser sans la psychanalyse.

Freud[...]

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Écrit par

  • : psychanalyste, maître assistant au département de psychanalyse de l'université de Paris-VIII

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