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LASSALLE JACQUES (1936-2018)

Ancien élève de Fernand Ledoux au Conservatoire de Paris, Jacques Lassalle – né à Clermont-Ferrand le 6 juillet 1936 – n'embrasse pas une carrière traditionnelle de comédien. En 1967, il fonde le Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine, qu’il dirigera jusqu’en 1982. Il inaugure ainsi, à la tête d'une jeune compagnie aux moyens limités, un parcours de metteur en scène exigeant et préoccupé par la dimension esthétique et sociologique de l'acte théâtral.

Les premiers temps sont marqués par une volonté de redécouvrir des pièces peu connues, ou de relire le répertoire classique à la lumière des problématiques actuelles. Molière, Marivaux, Goldoni, Shakespeare, Ruzzante constituent le répertoire du Studio-Théâtre. La démarche vise à sensibiliser un public étranger à l'art théâtral. Héritée de Vilar et inscrite, quant à ses options pédagogiques, dans une filiation brechtienne, elle prend parfois la forme de microspectacles d'intervention représentés dans les écoles ou les entreprises. La pédagogie restera pour Lassalle un point d'ancrage : il enseigne de 1969 à 1971 à l'Institut d'études théâtrales de l'université de Paris-III, puis au Conservatoire national d'art dramatique (1982-1983).

La seconde étape de sa recherche à Vitry est l'écriture. Lassalle adapte sous forme de « théâtre-récit » le Décaméronde Boccace. Jonathan des années trente (1973), consacré à l'entre-deux-guerres, développe une réflexion sur l'histoire, en tentant de faire la part du mythe et de la réalité. On a voulu ranger ses pièces (Un couple pour l'hiver, 1974 ; Le Soleil entre les arbres, 1976) sous le nom de « théâtre du quotidien », au même titre que celles de Franz Xaver Kroetz, dont il met en scène Travail à domicile en 1976. Il s'agit davantage d'un « théâtre au présent », saisissant l'individu dans son conflit avec le corps social, tandis que s'élabore en lui une conscience historique, « la constitution en matériau historique d'une quotidienneté, à peine dramatisée par le fait divers ». Avec Un dimanche indécis dans la vie d'Anna (1980) et Avis de recherche (1982), Lassalle s'inscrit davantage encore dans l'espace de la confidence, du dialogue fragile, ce « théâtre de chambre » dont l'image lui reste attachée. Théâtre de chambre qui est aussi celui de Michel Vinaver, et qui fait l'objet d'un spectacle en 1978, Lassalle mettant également en scène les pièces polyphoniques de ce dernier, plus éloignées de sa veine minimaliste (À la renverse, 1980 ; L'Émission de télévision, 1990).

Est ainsi maintenu un équilibre entre l'écriture contemporaine (Anna Seghers, Milan Kundera) et les auteurs du passé, tel Carlo Goldoni (La Locandiera, 1981). Entre 1981 et 1983, Lassalle se consacre aussi à l'opéra (Lohengrin de Wagner, Lear d'Albert Reimann).

Il prend la tête du Théâtre national de Strasbourg (TNS) en 1983 et y fait une entrée controversée avec un Tartuffe à la distribution « cinématographique » et prestigieuse (Gérard Depardieu, François Périer). Avec la collaboration de Bernard Dort, son conseiller littéraire jusqu'en 1987, il continue de favoriser la création contemporaine (Le Mariage des morts de Jean-Pierre Sarrazac, 1986), poursuit son travail sur Vinaver, découvre Jean-Marie Besset et aide à l'éclosion de jeunes metteurs en scène (Catherine Anne, François Tanguy), sans oublier les élèves de l'école du TNS, dont il dirige les exercices de sortie.

L'exploration du répertoire européen reste une des lignes directrices de son activité : ÉmiliaGalottide Lessing (1985), L'Heureux Stratagème de Marivaux (1985), La Clé de Labiche (1986), Rosmersholmd'Ibsen (1987). Il se permet aussi des incursions dans le comique moliéresque avec Sganarelle[...]

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

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Média

<em>Figaro divorce</em> de Ö. von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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