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LE BRUN JACQUES (1931-2020)

Né à Paris le 18 mai 1931, dans une famille de la bourgeoisie aisée et lettrée que la guerre conduit à s’installer dans l’Allier, Jacques Le Brun fait ses études en collège et lycée à Moulins, puis en classes préparatoires à Henri-IV. Il poursuit ensuite un cursus de lettres, sanctionné par l’agrégation (1955). Parallèlement, il suit l’enseignement de Jean Orcibal, titulaire de la chaire d’histoire du catholicisme moderne et contemporain, à la section Sciences religieuses de l’École pratique des hautes études (EPHE) – il soutient sous sa direction un mémoire en 1954 – et celui d'Henri Gouhier à l’Institut de philosophie de la Sorbonne. Ces années de formation sont aussi celles de la rencontre avec Michel de Certeau (son aîné de six ans) et des débuts, en 1958, du « groupe de la Bussière », qui va renouveler la notion d’histoire religieuse. Passé par le lycée d’Oran, puis la fondation Thiers (1956-1959), l’université de Poitiers, le Centre de télé-enseignement et le CNRS, il soutient en 1971, sous la direction de René Pintard, sa thèse sur La Spiritualité de Bossuet, qu’il publie l’année suivante. C’est le couronnement de travaux savants qui l’ont imposé comme un des meilleurs historiens du catholicisme pour la période moderne, spécialiste des auteurs spirituels du xviie siècle français, de Bossuet, mais aussi de Richard Simon, le promoteur d’une « histoire critique » de la Bible. Auteur d’importantes synthèses pour le Dictionnaire de spiritualité (dès 1963) ou la Nouvelle histoire de l’Église (1968) – et de l’article « quiétisme » dans l’Encyclopædia Universalis (1973) –, il succède en 1978 à Jean Orcibal (rebaptisant « Histoire du catholicisme » la chaire que celui-ci occupait) et enseignera à l’EPHE jusqu’à sa retraite en 2000.

Avec le concours du sulpicien Irénée Noye, il va conduire à son terme la vaste entreprise de l’édition de la Correspondance de Fénelon, commencée par Orcibal en 1972 et achevée seulement en 2007 (dix-huit volumes). Surtout, il sera l’éditeur impeccable des deux tomes d’Œuvres de Fénelon pour la bibliothèque de la Pléiade(1983 et 1997). Fénelon fut l’adversaire malheureux de Bossuet au moment de la querelle du quiétisme, à la toute fin du xviie siècle, que l’on a pu qualifier de « crépuscule des mystiques ». Son échec, pourtant, ne résout rien ; le motif central de la spiritualité fénelonienne, l’amour désintéressé jusqu’au sacrifice, reste un défi pour la pensée et change de lieu : dans Le Pur Amour de Platon à Lacan (2002), Jacques Le Brun montre, en amont et en aval de Fénelon, comment le même motif apparaît sous d’autres « figures », dans la philosophie, la littérature, la psychanalyse. Le Pouvoir d’abdiquer:Essai sur la déchéance volontaire (2009) fait varier lui aussi une « figure de l’impossible », pourtant réelle – l’abdication, dans l’histoire romaine, dans l’histoire moderne, dans la littérature (le Richard  II de Shakespeare) –, la même énigme que constitue le « désir d’effacement » propre à la condition humaine.

Fénelon est encore l’auteur des Aventures de Télémaque, ouvrage destiné au jeune duc de Bourgogne et devenu un best-sellerde la littérature européenne. Dans plusieurs articles – dont certains que reprend LaJouissance et le trouble. Recherches sur la littérature chrétienne de l’âge classique, 2004 –, Jacques Le Brun a montré comment la « fable » permettait de penser ce qui ne pouvait l’être en doctrine ou, pour mieux dire, « d’écrire ce qui ne peut s’écrire » : la mort du fils – la christologie n’apparaissant dès lors que comme un moment d’élaboration d’une énigme perpétuelle et perpétuellement recommencée (« les questions de la paternité, de la filiation et de la mort »). Il rencontre ainsi doublement la psychanalyse : dans la dimension anthropologique[...]

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