DAVID JACQUES LOUIS (1748-1825)
La place du peintre David n'est désormais plus discutée : il compte parmi les artistes français les plus illustres, et son rôle capital dans le renouveau classique de la fin du xviiie siècle est reconnu par tous. L'artiste est-il cependant vraiment aimé ? Les réactions parfois mitigées qui ont accueilli la rétrospective qui lui a été consacrée en 1989 permettent d'en douter. La date même de cette exposition, qui faisait partie des célébrations du bicentenaire de la Révolution française, est révélatrice des ambiguïtés que David suscite chez les critiques et les historiens d'art, ambiguïtés qui se cristallisent sur l'activité politique qu'il déploya entre 1789 et 1794 et sur la mobilisation de son art au service de la Convention puis de l'Empire. Il serait pourtant trop simple de le réduire au prototype de l'artiste engagé, et de juger toute sa carrière à l'aune d'opinions changeantes, qui ne sont pas, d'ailleurs, toujours précisément attestées ou connues. David est sans doute aujourd'hui pour nous plus présent dans son œuvre que par ses engagements politiques.
Paris et Rome : la naissance d'un peintre
Les débuts de David furent quelque peu laborieux et difficiles. Choisir une carrière artistique n'avait pourtant pas posé pour lui de réel problème. Né dans une famille parisienne aisée, il avait manifesté très tôt un goût affirmé pour le dessin. La famille de sa mère, qui avait charge de lui (son père avait été tué dans un duel alors que l'enfant n'avait que neuf ans), était assez bien introduite dans le monde des arts et ne s'opposa pas à sa vocation. Deux de ses oncles étaient architectes et le peintre François Boucher leur était apparenté. C'est vers ce dernier qu'ils se tournèrent lorsqu'il devint clair que leur neveu voulait être peintre. Mais Boucher se jugea trop vieux et il leur recommanda Joseph-Marie Vien, dont le style sévère et épuré, « à l'antique », commençait à s'imposer. Son atelier était réputé, et devait être l'un des principaux foyers du néoclassicisme français, alors naissant. David y entra en 1766, travaillant en même temps, comme c'était l'usage, à l'Académie royale de peinture et de sculpture. Cette formation traditionnelle lui fournit un cadre conceptuel dont il ne s'affranchit en fait jamais, principalement marqué par la prééminence de la peinture d'histoire au sein de la hiérarchie des genres, par l'importance du dessin dans le processus créatif et du nu dans la recherche du beau idéal. Mais cet élève attentif mit du temps à trouver son style et à s'imposer. Sa première manière, connue presque uniquement par ses morceaux de concours, poursuit en effet le genre aimable de Boucher, et il ne se disciplina que progressivement, avec effort. Il échoua d'ailleurs trois fois au grand prix de peinture, couronnement des études académiques et passage obligé pour une carrière brillante, puisqu'il ouvrait sur un séjour à Rome, aux frais du roi. David obtint un second prix en 1771, avec le Combat de Minerve contre Mars (Louvre, Paris), et fut l'année suivante, où il présenta Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobé (coll. part.), privé, à la suite d'intrigues et de rivalités internes à l'Académie, du succès que tous lui prédisaient. Sa déception violente (David allant jusqu'à vouloir se suicider) est sans doute à l'origine de sa rancœur contre une institution incapable de promouvoir le talent. Il subit un nouvel échec en 1773 avec La Mort de Sénèque (Petit Palais, Paris), le tableau de son concurrent Jean François Pierre Peyron, plus sobre, plus ordonné, ayant été préféré au sien. Il remporta enfin le prix, à sa quatrième tentative, avec Antiochus et Stratonice (École nationale supérieure[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Médias
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