OFFENBACH JACQUES (1819-1880)
Le père de l'opérette
Dans l'histoire de la musique, Offenbach est un cas. Né pour divertir, il adapte les formes de la musique à ses objectifs. Après quelques essais baptisés vaudeville, pantomime, anthropophagie ou bouffonnerie musicale, le mot opérette apparaît en 1855, pour qualifier une forme lyrique dérivée de l'opéra, courte, gaie et entrecoupée de dialogues. C'est l'époque de la création des Bouffes-Parisiens : elle voit la naissance d'une vingtaine de pièces en un acte, d'essence satirique, mettant en scène des personnages de la vie courante, sans trop s'attaquer aux grands de ce monde. Mais Offenbach voit plus loin et la forme évolue pour devenir le digne successeur de l'opera-buffa italien. L' opéra-bouffe est plus ambitieux que l'opérette : il comporte des intrigues plus consistantes, une satire des valeurs établies (le bel canto, l'opéra historique, plus tard la cour) et, très vite, l'acte unique et les quatre personnages sont abandonnés.
Dès 1856, Le Savetier et le financier porte ce nouveau qualificatif ; cette œuvre sera suivie d'une demi-douzaine d'ouvrages annonçant Orphée aux enfers (1858), opéra-bouffon, et Le Pont des soupirs (1861), premier opéra-bouffe de grande dimension. Le vocable est adopté ; l'opérette ne désignera plus – à deux exceptions près : La Jolie Parfumeuse (1873) et La Boîte au lait (1876) – que des pièces en un acte.
Parallèlement, le style évolue : Orphée marque le début d'une période dominée par une invraisemblance outrancière des personnages : la société du second Empire est déjà visée sous les traits d'une Antiquité caricaturale. À la verve comique s'ajoute l'entrain du cancan, qui a fait son apparition dans Croquefer et deviendra le symbole du divertissement parisien. Ce sont les débuts de la collaboration avec Halévy, qui formera dès 1863 un tandem fameux avec Meilhac, réalisant les meilleurs livrets d'Offenbach (La Belle Hélène, Barbe-Bleue, La Vie parisienne, La Grande-Duchesse de Gerolstein, La Périchole, Les Brigands). Car on ne saurait dissocier le musicien de ses librettistes : les échecs qu'a connus Offenbach sont souvent imputables à des textes médiocres.
L'apogée de la carrière du musicien se situe à la fin du second Empire (1866-1870), lorsqu'il donne coup sur coup ses plus grands succès, composés sur mesure pour Hortense Schneider, actrice et chanteuse au timbre sombre dont les rôles restent toujours difficiles à attribuer, car ils réclament une forte présence scénique, une voix pas trop lourde et une tessiture, à la limite du mezzo-soprano, que possèdent peu de cantatrices. Les ouvrages de cette époque ne s'embarrassent pas de formes inutiles pour railler : chacun se reconnaît dans La Vie parisienne et la censure croit découvrir Catherine de Russie sous les traits de la Grande-Duchesse. Mais Offenbach est l'homme d'une époque. Après 1870, il ne retrouvera jamais sa verve satirique. Paradoxalement, il réussira là où il avait toujours échoué, dans le genre sérieux, avec Les Contes d'Hoffmann. Sur un livret de Jules Barbier, il reprend une idée vieille de plus de vingt-cinq ans et réalise un opéra fantastique. Le rire est toujours là, bien qu'à présent sarcastique. Le cynisme sous-jacent de la satire du second Empire est devenu grinçant. Offenbach est peut-être un peu aigri d'avoir été oublié ; mais la vie qu'incarne la mélodie demeure, symbole de celui que Rossini appelait « le petit Mozart des Champs-Élysées ».
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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Média
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