OUDIN JACQUES (1908-1985)
Le nom de Jacques Oudin, décédé à Paris le 15 octobre 1985, est indéfectiblement lié à trois découvertes parmi les plus marquantes de l'immunologie contemporaine : l'analyse immunochimique en milieu gélifié, les spécificités allotypiques des immunoglobulines et l'idiotypie des anticorps. Chacune de ces trois découvertes fondamentales aurait largement suffi à elle seule pour faire reconnaître Jacques Oudin par la communauté immunologique internationale (ce qui a été le cas) comme l'un des pionniers les plus féconds de l'immunochimie et de l'immunologie moléculaire. Elles devaient en faire le fondateur d'une véritable école scientifique.
Né a Dreux le 15 mai 1908, docteur en médecine en 1936 et docteur ès sciences en 1949, Oudin, entré à l'Institut Pasteur de Paris en 1937, devait y effectuer toute sa carrière : chef de laboratoire en 1944, chef du service d'immunochimie analytique en 1959, professeur en 1970. Le C.N.R.S. l'avait nommé directeur de recherche en 1964 et lui décernait sa médaille d'or en 1972, alors qu'il recevait la même année le grand prix des sciences de la Ville de Paris et par la suite le prix Charles-Léopold Meyer (1973). Élu à 1'Académie des sciences en 1979, il bénéficiait d'un très large rayonnement international qui lui valut d'être nommé membre de nombreuses académies étrangères. C'est dans une note célèbre devenue classique, rédigée en 1946 pour les Comptes rendus de l'Académie des sciences, que Jacques Oudin décrivit la méthode d'immunodiffusion des solutions d'antigènes et d'anticorps en milieu gélifié, qu'il avait mise au point. Cette technique devait se révéler comme un outil analytique qualitatif et quantitatif d'un intérêt considérable destiné à révolutionner non seulement l'immunologie mais également tous les domaines de la biologie, notamment la biochimie et la médecine.
Utilisant la méthode qu'il avait mise au point, Oudin devait orienter ses recherches sur les spécificités antigéniques des protéines et plus particulièrement celles des immunoglobulines ( anticorps). Il montrait en 1956 que 1'on pouvait immuniser certains lapins contre les protéines sériques de certains autres, ce qui l'amena à distinguer (selon la terminologie qu'il devait proposer) des spécificités antigéniques isotypiques, qui pour une protéine donnée sont communes à tous les individus d'une même espèce, et des spécificités allotypiques, qui ne sont représentées que chez certains groupes d'individus de la même espèce. D'après ces données les classes et les sous-classes d'immunoglobulines sont autant d'isotypes distincts au sein desquels on peut distinguer des allotypes différents. Oudin montrait que les spécificités allotypiques des immunoglobulines représentaient l'expression de variantes affectant les gènes de structure des chaînes légère et lourde de ces molécules.
En 1963, Oudin décrivait dans un article encore une fois célèbre paru dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, une troisième catégorie de spécificité antigénique des immunoglobulines : les spécificités idiotypiques localisées dans les régions variables des chaînes lourde et légère de ces molécules. Chaque spécificité idiotypique est particulière aux anticorps agissant contre un antigène donné qui ont été synthétisés par un individu ou par un groupe d'individus donné.
Cette découverte est incontestablement l'une des plus importantes de l'histoire de l'immunologie. Ses implications théoriques et pratiques sont considérables, ce qui explique le très grand nombre de travaux consacrés à ce domaine. Sur le plan théorique, la découverte de l'idiotypie a conduit à des expériences qui ont été cruciales pour l'appréciation du répertoire immunologique, clé[...]
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Écrit par
- Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
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