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RABEMANANJARA JACQUES (1913-2005)

Figure majeure de la vie malgache du xxe siècle, Jacques Rabemananjara, d'ascendance à la fois côtière et merina, aura été poète et homme politique, militant indépendantiste puis ministre, et connut plusieurs fois l'exil.

Il est né en juin 1913 à Maroantsetra, petite ville de la côte est de Madagascar. Par sa mère, il est apparenté aux familles royales betsimisaraka. Par son père (ce qu'il révélera en 1995 dans Le Prince Razaka, autobiographie généalogique), il pouvait se revendiquer comme l'héritier de la dynastie royale merina. Élève des missionnaires, formé au grand séminaire de Tananarive, où il connaît un moment la tentation de la prêtrise, il choisit d'entrer dans l'administration. Il fait partie de la délégation malgache invitée à participer à Paris, en 1939, à la célébration du cent cinquantième anniversaire de la Révolution de 1789. Resté en France pendant la guerre, il s'associe, à la Libération, aux démarches qui tentent de faire évoluer les relations coloniales entre la France et Madagascar. Rédacteur du manifeste et des statuts du Mouvement démocratique pour la rénovation malgache (M.D.R.M.), il est élu député de la côte est en novembre 1946. Lors des « événements » qui soulèvent l'île en mars 1947, et qui provoquent une répression extrêmement violente, une manipulation policière fait accuser les parlementaires malgaches d'avoir suscité l'insurrection. Jacques Rabemananjara est condamné aux travaux forcés à perpétuité, peine qu'il subit au bagne de Nosy Lava jusqu'en 1955, puis à la prison de Marseille. Il n'est libéré que peu avant l'accession de Madagascar à l'indépendance et, en 1960, il peut rentrer au pays.

L'épreuve de la prison a donné une nouvelle orientation à son écriture poétique. Malgré son inspiration classique, le recueil Sur les marches du soir, publié en 1942, inscrivait Jacques Rabemananjara dans la continuité du grand poète malgache Jean-Joseph Rabearivelo, qui l'avait, à sa mort, institué son héritier littéraire. La tragédie en alexandrins des Dieux malgaches (1947) tenait de la gageure. Avec Antsa (1948), Lamba (1956), Antidote (1961), il devient un poète de combat, identifiant l'île natale à la femme aimée, qu'il célèbre dans un rituel à la fois érotique et magique. La revue Présence africaine, à la fondation de laquelle il avait été associé, publie ses poèmes, qui font de lui un symbole de la résistance à la colonisation. L'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française (1948) de L. S. Senghor inclut « Lyre à sept cordes », poème écrit en 1945, qui fait de Madagascar le lieu de la révélation poétique : « mon pays où le moindre bois s'illumine de prestiges divins ! »

Le fil conducteur de l'œuvre de Rabemananjara reste en effet l'exaltation du pays des ancêtres. Sa pièce Les Boutriers de l'aurore (1957), écrite en prison, évoque l'arrivée sur l'île des premiers Malgaches, venus des bords lointains de l'océan Indien. Les poèmes de Rites millénaires (1955), comme les sonnets anachroniques des Ordalies (1972), construisent un mythe du retour à l'origine par des cérémonies de mise à l'épreuve, qui conjuguent liturgie érotique et souvenirs des rituels païens.

Le retour à Madagascar marqua aussi pour lui une rentrée dans la vie politique. Ministre de l'Économie efficace, vice-président de la République, il apparaît alors comme le dauphin du président Tsiranana. Mais la révolution de 1972 l'oblige à un nouvel exil en France. Le recueil des Thrènes d'avant l'aurore (1985) attaque violemment le nouveau pouvoir malgache, tandis que Rien qu'encens et filigrane (1987) renoue avec l'ample lyrisme de la célébration. Candidat malheureux à l'élection présidentielle de 1993,[...]

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    Jacques Rabemananjara est, avec Ranaivo, l'un des deux écrivains malgaches dont la réputation ne s'est pas bornée aux côtes de la Grande Île. Ses chefs-d'œuvre, écrits en français, sont des fruits qui mûrirent au soleil de la torture et des prisons que lui firent connaître les...