TARDI JACQUES (1946- )
Né le 30 août 1946 à Valence, Jacques Tardi a commencé très jeune à faire école. La souplesse de son trait, pourtant inimitable, ne laisse pas de fasciner les jeunes dessinateurs. Son noir et blanc exemplaire caractérisera l'époque. Pourtant, dans ses premiers albums on trouve peu d'unité apparente : devant ses Rumeurs sur le Rouergue (avec Christin, 1972), son Adieu Brindavoine (1973), son Démon des glaces (1974) et sa Véritable Histoire du soldat inconnu (1974), comment deviner la suite ?
En 1976 commence sa seule série. Tardi, qui déteste les héros de bande dessinée, fera avec Adèle Blanc-Sec les beaux jours de la revue À suivre dont il reste un des piliers. Peu rusée, peu attirante, Adèle semble lancée malgré elle dans des aventures invraisemblables : elle n'est en vérité que le lien narratif de l'histoire. Tardi publie douze albums jusqu’en 2007, date à laquelle il clôt la série. Luc Besson adapte le personnage de la jeune journaliste au cinéma (Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, 2010).
Tardi reste fasciné par le monde de la guerre de 1914-1918 (C'était la guerre des tranchées, 1993) et par la pseudo-Belle Époque. Les décors de ce temps sont les siens, tout comme la raideur des gestes et le mouvement particulier des vivants et des morts. Il aime travailler avec des scénaristes qui sont parmi les meilleurs, comme Jean-Patrick Manchette (Griffu, 1978), Jean-Claude Forest (Ici-même, 1979, une des plus belles bandes dessinées de tous les temps), Benjamin Legrand (Tueur de cafards, 1984 ; New York mi amor, 2008), quand il n'adapte pas son ami Léo Malet (Brouillard au pont de Tolbiac, 1982 ; 120 rue de la Gare, 1988 ; Une gueule de bois en plomb, 1990, aventure inédite dont Tardi écrit le scénario, avec l'aval de l'écrivain ; M'as-tu vu en cadavre, 2000 ; Carnet, 2001), Daniel Pennac (Le Sens de la houppelande, 1991 ; La Débauche, 2000). Chacun de ces volumes est attendu, célébré, consacré.
Tardi adapte aussi en bande dessinée les romans des écrivains Géo-Charles Véran (Jeux pour mourir, 1992), Didier Daeninckx(Le Der des ders, 1997 ; Varlot soldat, 1999), Jean Vautrin (Le Cri du peuple, 1998), Jean-Patrick Manchette (Le Petit Bleu de la côte Ouest, 2005 ; La Position du tireur couché, 2010 ; Ô dingos, ô châteaux !, 2011).
Pourtant, les albums de Tardi réalisés en solitaire sont tout aussi convaincants. Tardi a créé quelques œuvres inoubliables. C'est d'abord Le Trou d'obus (1983), qui prend place dans le cadre de la relance (hélas avortée) de l'imagerie d'Épinal, avec un théâtre à découper et à monter. Viennent ensuite les deux volumes de dessins divers, toute une carrière éditée en livres d'art (Chiures de gomme, Mines de plomb, 1985). Il reçoit le grand prix de la bande dessinée du festival d’Angoulême en 1985. En 1989, le musée du Petit-Palais, à Paris, organise une grande exposition réalisée autour de son œuvre. Entre 1988 et 1991, il illustre trois romans de Céline, Voyage au bout de la nuit, Casse-Pipe, Mort à crédit. Une manière de renouer avec une période — la Grande Guerre et ses suites — qui reste pour lui essentielle. Avec Jean-Pierre Verney, historien spécialiste de la Première Guerre mondiale, il publie Putain de guerre ! (2 tomes, 2008 et 2009).
Dans Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B (2012) et le deuxième tome, sous-titré Mon Retour et la suite (2014), il transpose en bande dessinée les carnets de son père, prisonnier de guerre en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
En 2008, à l'occasion de la célébration des événements de Mai-68, Tardi publie un album intitulé 1968-2008... N'effacez pas nos traces ! Le festival d’Angoulême de 2014 met son œuvre à l’honneur à travers une exposition monographique riche en documents originaux sur la Grande Guerre.
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Écrit par
- Yves FRÉMION : écrivain et critique de la bande dessinée
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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