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VERGÈS JACQUES (1925-2013)

Célèbre avocat français à la fois critiqué et loué pour ses conceptions très personnelles d’une défense à outrance, Jacques Vergès s’est forgé une réputation par la défense de criminels notoires, tels que le chef de la Gestapo lyonnaise Klaus Barbie, le terroriste vénézuélien Ilich Ramírez Sánchez (Carlos, dit « le chacal ») ou l’ancien dirigeant khmer rouge Khieu Samphan. Personnage trouble aux amitiés politiques multiples, Jacques Vergès s’est complu à entretenir autour de lui un constant mystère.

Jacques Vergès serait né le 5 mars 1925, à Ubon Ratchathani, dans le royaume de Siam (aujourd’hui en Thaïlande), où son père était consul de France. Après la mort de sa mère, vietnamienne, en 1928, il part vivre dans l’île natale de son père, La Réunion, jusqu’à obtenir brillamment son baccalauréat. La Seconde Guerre mondiale survient et il interrompt ses études de droit en 1942 pour entrer dans la Résistance et combattre au sein des Forces françaises libres. La paix revenue, il reprend ses études à Paris et s’implique dans les cercles estudiantins marxistes et anti-impérialistes. Son appartenance à deux cultures attise également ses convictions anticolonialistes. C’est ainsi qu’au tout début de sa carrière il est l’un des rares avocats à accepter de défendre des Algériens militants du Front de libération nationale (F.L.N.), qu’il présente comme des combattants de la liberté en lutte contre l’oppression des autorités françaises. Installé et naturalisé en Algérie après 1962, il épouse une de ses clientes, Djamila Bouhired, figure célèbre de la révolution algérienne.

Le jeune avocat élabore très tôt une stratégie de « défense de rupture » : il ne s’arrête pas aux charges portées contre ses clients, mais, faisant du prétoire une tribune politique, il conteste par principe la légitimité des accusations du ministère public et dénonce l’impérialisme occidental. Ses plaidoyers provocants ne conduisent cependant que rarement à l’acquittement de ses clients.

En 1970, l’avocat disparaît subitement pendant huit ans – il gardera toujours le silence sur cette période obscure de sa vie. Réapparu inopinément à Paris en 1978, le juriste reprend sa robe d’« avocat du diable » et choisit des clients qui suscitent tout autant la controverse, notamment des membres du F.P.L.P. (Front populaire de libération de la Palestine) et de la Rote Armee Fraktion (Fraction Armée rouge, groupe terroriste d’Allemagne de l’Ouest). En 1987, il plaide également pour la défense de Klaus Barbie. Il offre encore ses services au chef de l’État serbe Slobodan Milošević, accusé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale, ainsi qu’au dictateur irakien déchu, Saddam Hussein.

L’avocat médiatique a publié de nombreux ouvrages, entre manifestes et autoplaidoyers : Pour Djamila Bouhired, 1957 ; De la stratégie judiciaire, 1968 ; Pour les fidayine, 1969 ; Pour en finir avec Ponce Pilate, 1983 ; Beauté du crime, 1988 ; Je défends Barbie, 1988 ; La justice est un jeu, 1992 ; Mon Dieu, pardonnez-leur..., 1995 ; Envers et contre tous, 1999 ; Crime dÉtat et comédie judiciaire, 2004… Le Salaud lumineux (1990) et Intelligence avec lennemi (1994) sont des conversations avec Jean-Louis Remilleux, comme Avocat du diable, avocat de Dieu (2001) est un entretien avec le père Alain de la Morandais ; enfin, De mon propre aveu. Souvenirs et rêveries (2013) constitue ses mémoires. En 2006, le réalisateur de cinéma Barbet Schroeder lui consacre un documentaire, L’Avocat de la terreur. Jacques Vergès meurt le 15 août 2013, à Paris.

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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Écrit par

  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis