DEML JAKUB (1878-1961)
Poète, prosateur, essayiste, traducteur et polémiste, Jakub Deml est né à Tasov en Moravie occidentale. Il est un des plus importants représentants de la littérature catholique tchèque. Lycéen, il fait connaissance, en 1897, du célèbre poète symboliste tchèque, Otakar Březina, qui restera toute sa vie son idéal en poésie. En 1898, après son baccalauréat, Jakub Deml entre au séminaire de Brno. Il est ordonné prêtre en 1902. Cependant, la conception particulière que Jakub Deml a de son ministère entraîne des conflits avec sa hiérarchie et, finalement, en 1912, sa mise à la retraite d'office avec obligation de résider à Prague.
Il commence à écrire dès 1907, encore sous influence de la poésie d'Otokar Březina. Puis il continue avec Hrad smrti (Le Château de la mort, 1912) et Tanec smrti (La Danse de la mort, 1914), livres imprégnés de visions tragiques de la mort et du néant, où règne une anxiété diffuse et omniprésente. À ce sentiment tragique de la peur pour l'existence de l'homme – qui le rapproche de l'expressionnisme –, Jakub Deml oppose les recueils de poèmes en prose Moji přátelé (Mes amis, 1913) et Miriam (1916), qui exprime un amour infini pour toute création, reflet de la présence de Dieu sur terre. Cette vision dualiste du monde de Jakub Deml, profondément enracinée dans sa foi catholique, nous la retrouvons dans ses polémiques des années 1930, où la colère haineuse, la hargne et l'orgueil égocentrique cohabitent avec une humilité toute franciscaine.
Cherchant un havre de paix pour échapper à sa perception tragique de la réalité, Jakub Deml s'installe, dès 1922, dans son village natal. Tasov avec ses habitants forme dans les œuvres principales de cette période – Mohyla (La Tombe, 1926), Tepna (Artère, 1926) Hlas mluví k Slovu (La Voix parle au verbe, 1926) – un symbole de la collectivité nationale tout entière, avec laquelle le poète cherche à s'identifier et où il pense trouver un refuge et un équilibre aussi bien comme individu que comme poète. Au début des années 1930, notamment après l'échec et la condamnation très sévère de son essai Mé svědectví o Otakaru Březinovi (Mon Témoignage sur O.B., 1931), échec qu'il ressent comme une tragédie personnelle et comme un bannissement de la collectivité nationale, il quitte Tasov et accepte l'invitation du comte Sporck de s'installer au château de Kuks. Là, il a une liaison sentimentale conflictuelle et orageuse avec la fille de son hôte, dont nous trouvons l'écho dans ses vers allemands, Solitudo (1934), dans Píseň vojína šílence (Chanson d'un soldat fou, 1935) et, surtout, dans Zapomenuté světlo (La Lumière oubliée, 1934), texte en prose dont la première édition est saisie par la censure pour des raisons de moralité. Jakub Deml, dans ces œuvres, redevient un poète de l'angoisse et de la destruction existentielles, son univers ressemble à un labyrinthe où erre l'individu abandonné à son sort, cherchant désespérément la grâce de Dieu, afin de retrouver la paix intérieure.
Dans la deuxième moitié des années 1930, Jakub Deml se situe franchement à l'extrême-droite. Il rompt avec la plupart de ses amis en écrivant des pamphlets haineux, dans lesquels il apparaît comme un conservateur et un adversaire résolu de la démocratie libérale, voire comme un antisémite. Pourtant, il refuse de collaborer avec l'occupant allemand et, de 1943 à 1945, il est même interdit de publication par les autorités nazies. Après 1945, il s'installe définitivement à Tasov, ne publiant quasiment plus que des poèmes occasionnels. Mais il continue à écrire jusqu'à sa mort, en 1961, sans espoir de se voir publié, comme en témoignent les œuvres parues à titre posthume.
L'œuvre de Jakub Deml est très hétéroclite : poésies et prose (qui forment le noyau central de son[...]
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Écrit par
- Milan BURDA : maître de conférences de tchèque à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne, chargé de cours de littérature tchèque à l'Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
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