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JAMBLIQUE (250 env.-env. 330)

La théurgie

Le second thème qui caractérise l'œuvre de Jamblique est celui qui constitue le principal objet du De mysteriis. Cet écrit se présente comme réponse à une série de questions posées par Porphyre à un certain Anébon sur les dieux et les démons. C'est « maître Abammon » qui donne la réplique. D'après Proclos, ce nom est un pseudonyme de Jamblique. Mais on est surpris par le ton solennel et dogmatique que Jamblique affecte envers son ancien maître.

On aperçoit dans cet ouvrage, outre les influences que Jamblique accueille ordinairement, celle des écrits éclectiques d'Hermès Trismégiste, composés entre 100 et 300 de notre ère, et celle des Oracles chaldaïques, recueil philosophico-religieux publié par Julien le Théurge à la fin du ier siècle, et qui déjà avait impressionné Porphyre. Le dessein de Jamblique est d'établir que la théurgie n'est nullement un amas de superstitions, mais qu'elle est exigée par une théologie pleinement informée. Bien plus, la négliger serait admettre que l'homme peut se diviniser lui-même par les seules ressources de sa sagesse. Nous n'avons pas en nous-mêmes ce qu'il faut pour nous libérer ; nous n'y parviendrons que par une régénération, c'est-à-dire par une opération divine incommensurable à notre nature. Jamblique vise ici sans le nommer Plotin, qu'il soupçonne de rationalisme.

Le but de la théurgie n'est pas de procurer des avantages matériels, des bienfaits corporels ni même des consolations spirituelles, bien qu'elle ait parfois cet effet, mais ce n'est que moyen. La fin dernière de la théurgie et de tout culte divin est la déification de l'âme, c'est-à-dire l'union mystique avec l'Ineffable, qui est au-delà même de l'unité intelligible (VIII, II). Mais il n'est pas possible de parvenir immédiatement à ce terme suprême, et certainement peu d'âmes y parviennent. Il faut donc ménager des intermédiaires et gravir des degrés de culte de plus en plus purs. À ceux-ci correspondent des ordres différents de démons ou de dieux et des niveaux distincts de l'âme. Par exemple, un degré inférieur de culte exigera des sacrifices d'animaux, tandis qu'un degré plus élevé prescrira des invocations de noms divins proférés dans leur langue originelle, et non traduits en grec. Quel que soit son niveau, aucun rite n'entraîne chez les dieux une passivité ni ne confisque leur puissance au profit des fins personnelles de l'homme. L'efficacité des pratiques de la prière ne vient pas de notre initiative, mais de celle des dieux qui ont choisi les signes de leur pouvoir et nous portent à les mettre en œuvre. On n'est pas exaucé parce que l'on prie, mais on prie parce que la notion antécédente des dieux suscite à la fois la prière et le bienfait, qui finalement s'identifient.

Il y a dans Jamblique plusieurs personnages : le néo-platonicien qui exprime sa mystique dans le langage de l'immanence ; le théologien littéral qui formule les communications divines dans le registre de la transcendance. Les deux problématiques n'étaient peut-être pas inconciliables, et Proclos s'efforcera de les intégrer dans l'harmonie. Mais Jamblique semble osciller de l'une à l'autre sans trouver le point d'équilibre. En tout cas, son attachement aux traditions religieuses va marquer pour longtemps le néo-platonisme. Il sera considéré par ses successeurs comme un inspiré plus encore que comme un philosophe. Peut-être l'impulsion donnée par le « divin Jamblique » contribuera-t-elle à porter le néo-platonisme jusqu'à la théologie négative radicale et antithétique de Damascios.

— Jean TROUILLARD

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