WHISTLER JAMES ABBOTT McNEILL (1834-1903)
Londres (1859-1879)
Les débuts de la période londonienne marquent une inflexion sensible dans l'art de Whistler, dont le réalisme, qu'il n'abandonne pas pour autant, prend une tournure plus littéraire, sous la double influence de son travail d'illustrateur pour la revue Once a Week et des peintres qu'il fréquente, notamment des préraphaélites comme John Everett Millais ou Dante Gabriele Rossetti, ou des poètes comme Swinburne. Il n'en demeure pas moins relativement incompris du grand public des deux côtés de la Manche, comme le manifeste l'échec de sa Symphonie en blanc no 1-La Fille blanche (The National Gallery of Art, Washington). Peint à Paris durant l'hiver 1861-1862, ce portrait en pied de la maîtresse de Whistler, Joanna Hiffernan (qui est également un modèle de Courbet), est, malgré la réputation qui le précède, refusé par le jury de la Royal Academy en 1862. Exposé à Londres dans une galerie privée avec un certain succès au milieu d'œuvres d'autres artistes novateurs (William Powell Frith, Augustus Leopold Egg, Edward Poynter et Daniel Maclise), le tableau n'est pas accepté par le Salon à Paris, où il est en conséquence l'un des clous du Salon des refusés de 1863.
Le japonisme
Les années 1860 voient également Whistler devenir un des protagonistes majeurs du mouvement japoniste, cette orientation se marquant aussi bien dans le sujet de certains tableaux, où apparaissent des objets d'art extrême-oriental, paravents, porcelaines, habits (La Princesse du pays de la porcelaine, 1863-1864, Freer Gallery of Art, Washington ; Caprice en pourpre et or-L'Écran doré, 1864, ibid. ; Pourpre et rose. Les Lange Leizen aux six marques, 1864, Museum of Art, Philadelphie), que dans l'esthétique même des œuvres, avec l'utilisation du format vertical ou de cadrages inspirés des estampes japonaises (Variations en violet et vert, 1871, musée d'Orsay, Paris ; Nocturne en bleu et or-Le Vieux Pont de Battersea, 1872-1877, The Tate Gallery, Londres).
Le japonisme est un autre point de rencontre avec les impressionnistes. Pourtant, dès 1867, Whistler, qui de toute façon n'a été vraiment proche que de la génération précédente, de Courbet, Manet, ou de réalistes comme Fantin-Latour et Legros, et non directement de Monet, Renoir, Bazille, Sisley ou Pissarro, abandonne le plein air et le réalisme pur pour tenter une synthèse avec une peinture plus formaliste, très soucieuse d'effets de matière raffinés, parfois directement inspirée de modèles anciens, par exemple Gainsborough. Cette nouvelle tendance se manifeste le mieux dans la série des Nocturnes, exécutés autour de 1870, entièrement en atelier, fondés sur les souvenirs et l'imagination de l'artiste, composés aussi à partir de principes purement esthétiques d'arrangement formels, avec une grande économie de moyens dans le dessin et le coloris. Whistler y applique, en peinture, des effets analogues à ceux qu'il obtient par ailleurs dans le dessin, notamment le pastel.
Au-delà de la peinture
Ces préoccupations s'étendaient à l'encadrement ou à la présentation de sa production. Concevant ou peignant ses propres cadres depuis les années 1870, Whistler optera après 1880 pour des cadres dorés, parfois très importants, afin de mieux mettre ses tableaux en valeur. Il se souciait également des conditions de leur exposition au public, ou de leur devenir une fois en mains privées. « Le peintre, disait-il, doit transformer le mur sur lequel est accrochée son œuvre, la pièce qui l'abrite, la maison tout entière, en une Harmonie, un Arrangement aussi parfaits que le tableau ou l'estampe qui en devient un élément. » À rebours de l'accrochage en vigueur de son temps, il préconisait ainsi une organisation très aérée, sur une seule ligne et non sur plusieurs rangs. Il était également partisan de fonds clairs (jaunes ou blancs) et fit[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Médias
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