WHISTLER JAMES ABBOTT McNEILL (1834-1903)
Venise, Paris, Londres (1879-1903)
Whistler et Venise
Ce séjour italien, qui marque un nouveau tournant dans sa production, était motivé par une commande de marchands de la Fine Art Society, qui lui avaient demandé une suite de douze eaux-fortes sur des sujets vénitiens. Whistler resta plus d'un an à Venise, en donnant une vision très neuve au travers de cinquante eaux-fortes, cent pastels et moins d'une dizaine de peintures. Il n'hésite pas à s'aventurer sur les canaux ou dans les cours inconnus, à décrire la lagune de nuit et non sous le soleil. Il montre aussi une ville vivante, avec ses habitants et son activité quotidienne.
Ces œuvres, exposées à Londres, reçurent encore un accueil mitigé. Mais Whistler, instruit par le précédent ruskinien, développa alors une offensive multiforme pour imposer ses idées, par le biais de conférences (Ten O'Clock, 1885), d'articles, d'opuscules, de préfaces, sans compter la correspondance. Membre puis président de la Society of British Artists en 1886-1887, il combattit, avec un certain succès, mais en étant néanmoins, finalement, mis en minorité, les préjugés défendus au sein de la Royal Academy. En même temps il se préoccupait à nouveau d'acquérir une stature européenne, envoyant des tableaux au Salon de Paris (il avait cessé de le faire en 1867), aux expositions des XX, à Bruxelles, mais aussi à Dublin, à Munich ou à Amsterdam. Différentes collections publiques acquièrent ses peintures, Glasgow, en 1890, Philadelphie, en 1895, et surtout le musée du Luxembourg, à Paris, en 1891, à l'instigation du critique Théodore Duret, mais également de Mallarmé et de Monet.
Un artiste parisien
Aussi Whistler, marié en 1888, vient-il habiter Paris en 1892 pour dix ans (il fermera son atelier parisien et vendra sa maison de la rue du Bac en 1901). Mais la société qu'il fréquente a peu à voir avec le milieu qui était le sien trente ans auparavant. Intime de Mallarmé, il est par lui en relation avec la mouvance symboliste. Grâce au comte Robert de Montesquiou-Fezensac, il est introduit dans le monde de l'aristocratie fortunée et cultivée. Duret (qui fit faire son portrait par Whistler, 1883-1884, The Metropolitan Museum, New York) souligna combien c'était, à l'époque, faire preuve d'un certain courage : l'aristocratie britannique continuait de bouder Whistler. Une exposition triomphale, à la Goupil Gallery de Londres, en 1892, renversa complètement l'opinion, et riches Anglais et Américains défilèrent chez l'artiste qui, désabusé, demandera plus tard : « Pourquoi ne voulaient-ils pas se laisser peindre il y a quelques années, lorsque je le désirais ? » La réputation de Whistler paysagiste connaissait en même temps une évolution analogue. La première rétrospective individuelle qui suivit le séjour vénitien eut lieu en 1884 à Londres, sous le titre générique Arrangement en couleur chair et gris. Whistler, malgré le succès public et en partie critique, fut obligé, pour couvrir ses frais, de vendre de nombreux tableaux dix livres pièce. En revanche, en 1889 à New York (Notes-Harmonies-Nocturnes), quelques amateurs américains se manifestèrent, dont certains, Charles L. Freer et Harris Whittemore, allaient par la suite constituer des ensembles considérables d'œuvres du maître.
Les dernières années
Whistler, dont la santé se détériorait peu à peu, atteint par la mort de sa femme, en 1896, avait de plus en plus de mal à finir ce qu'il commençait. Il ne cessait pourtant de multiplier dessins, estampes ou peintures, voyageant à Amsterdam, à Dieppe, en Bretagne, en Corse, préférant d'ailleurs le paysage au portrait, qui demandait de longues et pénibles séances de pose. Les œuvres tardives marquent, de ce fait, une certaine simplification et une spontanéité peut-être plus grande, dues aussi bien aux difficultés pratiques qu'aux buts esthétiques[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Médias
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