MIRRLEES JAMES ALEXANDER (1936- )
C'est pour « leurs contributions fondamentales à la théorie des incitations dans le cas d'informations asymétriques » que le Britannique James Alexander Mirrlees et le Canadien William Vickrey ont reçu conjointement le prix Nobel d'économie 1996. Les deux chercheurs se distinguent par un travail de synthèse, rarement opéré en sciences économiques, entre une analyse théorique abstraite et une application aux problèmes concrets de la politique économique. C'est pourquoi les jurés du Nobel ont insisté dans leurs attendus sur le fait que les lauréats avaient permis de mieux comprendre le fonctionnement de multiples secteurs où l'information est incomplète : marché des assurances et du crédit, mécanismes d'enchères, systèmes fiscaux, par exemple.
James Mirrlees, né en 1936 à Minnigaff (Écosse), a enseigné pendant vingt-cinq ans à Oxford, puis à Cambridge à partir de 1995. Il s'est rendu seul à Stockholm pour recevoir le prix, puisque son aîné, William Vickrey est mort à quatre-vingt-deux ans, trois jours à peine après l'annonce de sa récompense.
Les travaux de James Mirrlees ont rendu possibles bien des approfondissements liés aux recherches antérieurement menées par Vickrey. Aucune publication commune n'a lié ces deux hommes mais ils partent du même postulat, à savoir le rôle essentiel de l'information, et tout particulièrement celui des informations asymétriques, sur les décisions des agents économiques. Tous deux ont étudié les problèmes rencontrés par l'État lorsqu'il collecte l'impôt nécessaire à l'accomplissement de ses missions.
Dans les années 1940, Vickrey avait apporté d'importantes contributions à la théorie de l'imposition puis élaboré un modèle de taxation des revenus dont il espérait qu'il allie « équité et rendement de l'impôt ». James Mirrlees a poursuivi ce travail une trentaine d'années plus tard et a proposé une procédure pour combiner efficacement impôts sur les revenus et impôts sur les bénéfices.
De même, alors que dans les années 1950 Vickrey s'était interrogé sur le danger que l'État ne crée, par la pression fiscale, un mécanisme de découragement, c'est Mirrlees qui, vingt ans plus tard, trouve le procédé de résolution qui a servi de fondement à la théorie moderne des incitations et permis de corriger les insuffisances d'informations par un système d'incitations adapté.
La contribution essentielle de Mirrlees porte sur la fiscalité et sur la forme optimale de l'impôt sur le revenu. Il propose d'inciter les contribuables à révéler le montant exact de leurs revenus en leur garantissant en échange une imposition plus avantageuse. Ce modèle remet bien sûr en cause le principe de l'impôt progressif puisque, pour être assuré de connaître les revenus exacts des plus riches, il faut leur offrir un taux moindre d'imposition.
Selon Mirrlees, comme l'État ne possède qu'une partie de l'information a priori nécessaire pour opérer une redistribution efficace, il n'a pas d'autre choix que de surmonter ce handicap par un contrat incitatif.
Cette procédure peut s'appliquer chaque fois que l'une des parties dispose de plus d'informations que l'autre sur les éléments clés de la décision. Les configurations concernées sont alors nombreuses et apparaissent chaque fois qu'il y a asymétrie des informations : entre médecin et patient, prêteur et emprunteur, employeur et employé, assureur et assuré, avocat et client...
Les travaux de James Mirrlees, en même temps qu'ils ont amélioré notre compréhension des relations contractuelles bilatérales, ont suscité un profond réexamen des fondements mêmes de la théorie fiscale, conduisant ainsi à repenser les effets de la progressivité de l'impôt.
Les années 1970[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
Classification
Autres références
-
INTERVENTION DE L'ÉTAT, économie
- Écrit par Dominique HENRIET et André PIETTRE
- 10 809 mots
Depuis la contribution originale de James Mirrlees en 1971, le problème de la taxation du revenu a fait l'objet d'un grand nombre de travaux théoriques et empiriques. Les principales questions posées sont simples : quels sont les effets de l'impôt sur le revenu et quelle doit être la forme de ce dernier... -
VICKREY WILLIAM SPENCER (1914-1996)
- Écrit par Françoise PICHON-MAMÈRE
- 1 125 mots
Les jurés du prix Nobel d'économie décerné en 1996 ont relevé dans leurs attendus que les deux lauréats, l'octogénaire canadien William Spencer Vickrey (quatre-vingt-deux ans) et son cadet britannique James Alexander Mirrlees (soixante-deux ans) avaient permis de mieux comprendre...