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JAMES BOND 007 CONTRE DOCTEUR NO, film de Terence Young

La recette d'un succès sans faille

Dans ce film à budget moyen (environ 21 500 euros), dont personne ne pouvait deviner qu'il serait le début d'une longue série à succès, se trouvent déjà les ingrédients devenus légendaires : générique graphique et pop art conçu par Maurice Binder, thème musical obsédant et menaçant de John Barry, personnage principal distingué et habillé avec élégance, connaisseur en champagnes millésimés, en diamants et en femmes, que le service de Sa Majesté fait souvent rencontrer des Américains rustres, belles créatures parfois dangereuses, tourisme et exotisme, poursuites et cascades (ici encore modestes), grands décors pour le repaire du méchant, et criminels mégalomaniaques – le tout enrobé d'humour.

La première apparition du personnage dans le film, et donc sur un écran de cinéma, est emblématique ; dans un élégant casino, face à une belle femme, il décline son nom de la façon que tout le monde connaît « Bond... James Bond ».

Mais le plus grand succès ne sera atteint, et les règles du jeu définitivement fixées, qu'avec le troisième épisode, Goldfinger, en 1964, réalisé par Guy Hamilton.

Dans Dr. No, Bond utilise encore des armes courantes et artisanales, ses mains ou un pistolet, tandis que les gadgets et autres voitures pourvues d'équipements spéciaux sont réservés au méchant. Ce n'est qu'un peu plus tard que Bond aura lui aussi à sa disposition une technologie ultramoderne, mise au service du bien, notamment une Aston-Martin dotée de capacités nautiques.

La première « James Bond Girl », incarnée par Ursula Andress, une sirène en bikini qui émerge de l'onde en chantonnant un calypso, est ici une sauvageonne innocente, et – bien qu'armée d'un poignard – elle n'est pas encore dangereuse. En revanche, Bond, avant de se voir proposer une mission par le patron des services secrets britanniques, flirte déjà avec la secrétaire « Moneypenny » (« môme d'un jour » dans la version française), et déjà les meurtres qu'on voit commettre sont dédramatisés et stylisés : dans Dr. No, les automatiques munis de silencieux émettent le même « pop » caractéristique que dans les policiers parodiques de Georges Lautner. Bond doit également être prisonnier à un moment ou un autre, et il est courant que le méchant lui fasse visiter « ses nouvelles installations » avant d'imaginer pour lui des morts compliquées, dont le héros réchappe obligatoirement.

Un grand décorateur anglais d'origine allemande, Ken Adam, donne le ton à la série, en concevant le repaire secret du Docteur, comme il dessinera pour Stanley Kubrick, dans Dr. Folamour (Dr. Strangelove, 1964), la salle de guerre du Pentagone.

Même si la marque de fabrique de la série est le second degré, ce film inaugural est l'un des seuls où l'on voie Bond transpirer de peur. Plus tard, le héros tend à être froid et détaché. La série s'approchera vite du risque de se parodier elle-même et, de temps à autre, elle tentera un retour au réalisme. Elle évolue également en fonction des différents problèmes de la planète : ici, le film reflète la hantise nucléaire (longue séquence, discrètement érotisée, de décontamination de Bond et Honey), plus tard, Bond sera dans l'espace (Moonraker, 1979, de Lewis Gilbert), etc.

La figure du Docteur No emprunte à la même tradition feuilletonnesque que le Fu Manchu des années 1930. No – un nom probablement inspiré par le Nemo de L'Île mystérieuse, de Jules Verne – est un Chinois mis à l'écart de la rivalité des deux blocs Est-Ouest, et qui veut, n'ayant pu vendre ses services ni aux uns ni aux autres, se venger de son humiliation. Ici, le méchant – traditionnellement un étranger avec accent – est encore sommaire, caractérisé seulement par sa main artificielle (comme dans [...]

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

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