JAMES BOND
Mort et résurrection d'un héros
Avec Skyfall (Sam Mendes, 2012), James Bond connaît une véritable assomption. À l'ouverture du film, sa vitalité est époustouflante. Reprenant son éternelle visite des sites classés par l'U.N.E.S.C.O., il fait une démonstration de son habileté en poursuivant l'ennemi sur les toits du Grand Bazar d'Istanbul, à moto sur des corniches vertigineuses, et en pelleteuse géante sur un interminable convoi ferroviaire en progression au-dessus de l'abîme. On est tellement pris par les exploits du poursuivant qu'on ne voit pas venir ce qui va faire, enfin, mourir James Bond : une belle tueuse contrainte d'obéir à l'ordre fatal de ses supérieurs du M16. Après ce prologue grandiose, viennent la mort et la résurrection du « Chéri-Bibi » écossais.
Car le héros n'est plus que l'ombre de lui-même. Il n'atteint plus sa cible. Affaibli, il est même à deux doigts de subir les derniers outrages de la part d'un méchant sadique (interprété par Javier Bardem), apparemment bisexuel, et décidé à se venger d'une mère fantasmée. La prudente autocensure hollywoodienne laisse passer l'obscénité sans en avoir l'air. Qu'aurait-on vu, sans cette limite, et si l'on n'avait pas l'impérieuse nécessité de vendre les films de James Bond sur toute la surface de la planète ?
Daniel Craig, James Bond après tous les autres, passe dans cette histoire avec un visage un peu plus impassible que celui de Buster Keaton. Cela lui permet d'accrocher très étrangement l'intérêt du spectateur, d'une manière jamais désagréable. Maintenir la posture du héros affaibli et finalement victorieux est un bel exercice... Les vrais cow-boys ne sont pas démonstratifs.
Les images de Shanghai, transparentes, vitreuses et cybernétiques, qui mêlent en toile de fond Macao, l'enfer du jeu à Matrix Reloaded, sont à la fois somptueuses et parodiques. Et Sam Mendes est un grand artiste, qui réussit, avec Istanbul, Shanghai et Macao, à faire de ce vingt-cinquième opus de James Bond un des plus beaux films de l'année 2012. Les successeurs des producteurs des seize premiers films, qui s'appelaient Albert R. « Cubby » Broccoli et Harry Saltzman, sont la fille et le beau-fils de « Cubby », Barbara Broccoli et Michael G. Wilson. Avoir engagé un véritable auteur de cinéma est leur coup de génie. La pratique de la citation, compulsive mais jamais lassante, des épisodes précédents, le couronnement low-tech de la conclusion écossaise (« Welcome in Scotland », comme le dit si bien le personnage interprété par Albert Finney) finissent de convaincre le spectateur que Quantum of Solace avait désespéré qu'il reverra sans lassitude ce Skyfallqui fera date.
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
Classification
Média
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