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BOWMAN JAMES (1941-2023)

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Le chanteur lyrique britannique James Bowman s'est imposé comme l'une des plus brillantes incarnations de haute-contre.

La voie avait été ouverte, dès la fin des années 1940, par Alfred Deller, qui tutoya d'emblée les sommets ; le premier, il a remis à l'honneur l'art délicat du falsetto et a apposé, sur un vaste répertoire profane et sacré, une marque personnelle qui devait servir de référence à tous ceux qui lui ont succédé. En n'utilisant que partiellement les possibilités des cordes vocales, cette technique de chant parvient à obtenir, au prix d'un volume sonore réduit et d'une moindre richesse de timbre, un aigu d'une pureté irréelle et des vocalises d'une légèreté divine. Grâce à Deller va émerger une génération de falsettistes avec Paul Esswood, René Jacobs et James Bowman – pour lesquels les notes élevées n'appartiennent pas au registre habituel de leur organe – et de contre-ténors – leur voix naturelle est celle d'un ténor léger –, spécialités communément regroupées sous l'appellation de haute-contre.

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James Thomas Bowman naît le 6 novembre 1941 à Oxford (Angleterre). Suivant en cela une séculaire tradition britannique, il fait partie du chœur d'enfants de la cathédrale de la Sainte et Indivisible Trinité d'Ely (Cambridgeshire). La mue étant venue, il entreprend des études d'histoire au New College d'Oxford ; il intègre le New College Choir et le Christ Church Cathedral Choir qui font la gloire de sa ville natale. Il commence à travailler sérieusement sa voix au début des années 1960, et découvre alors ses étonnantes aptitudes pour le falsetto. Irrésistiblement séduit par sa prestation lors d'une audition, Benjamin Britten l'engage dans son English Opera Group et lui offre d'interpréter au festival d'Aldeburgh de 1967 le rôle d'Oberon dans son opéra A MidsummerNight'sDream, rôle écrit à l'intention de Deller et créé par celui-ci en 1960. James Bowman reprendra souvent ce rôle fétiche (la même année au Théâtre de l'Odéon à Paris). Le compositeur anglais écrira encore à son intention le Canticle IV : Journey of the Magi, sur un texte de T. S. Eliot, pour contre-ténor, ténor, baryton et piano (créé aux Snape Maltings le 26 juin 1971, avec le ténor Peter Pears, le baryton John Shirley-Quirk et le compositeur au piano), ainsi que la Voix d'Apollon dans son dernier ouvrage lyrique, Death in Venice (créé le 16 juin 1973 aux Snape Maltings, au côté de Peter Pears dans le rôle de Gustav von Aschenbach). James Bowman est un des cofondateurs, en 1967, du Early Music Consort of London, aux côtés de David Munrow (vents), d'Oliver Brookes (violes) et de Christopher Hogwood (clavecin).

Aux sortilèges d'une ligne de chant limpide et à la fermeté d'un style parfaitement maîtrisé, James Bowman ajoute une puissance vocale dont peu de ses confrères disposent. Il triomphe donc avec éclat dans les partitions que Georg Friedrich Haendel confiait aux castrats : rôles-titres de Giulio Cesare, d'Ottone, de Silla, d'Orlando, de Serse – il participera le 28 septembre 1979 à sa création en France, à la Grange de la Besnardière, en Touraine – ainsi que les rôles de Ruggiero (Alcina), de Polinesso (Ariodante) ou de Goffredo (Rinaldo). Il s'illustre tout autant dans ses oratorios : Athalia, Deborah, Judas Maccabaeus, Israel in Egypt et Le Messie. James Bowman est le premier haute-contre à se produire au festival de Glyndebourne, en 1970, sous les traits d'Endymion (La Calisto de Pier Francesco Cavalli). Il est appelé par les plus grandes scènes : la Scala de Milan, la Fenice de Venise, les Arènes de Vérone, Paris (Palais-Garnier, Opéra-Comique, Théâtre des Champs-Élysées), les Opéras d'Amsterdam, de Vienne, de Sydney, de San Francisco, de Dallas, de Santa Fe...

Le répertoire de James Bowman est essentiellement centré sur les musiques anciennes et baroques : Guillaume Dufay, Giovanni Pierluigi da Palestrina, William Byrd, John Dowland, Michael Praetorius, Heinrich Schütz, Claudio Monteverdi, Henry Du Mont, Matthias Weckman, Dietrich Buxtehude, Heinrich Ignaz Franz von Biber, John Blow, Henry Purcell – le disque conserve le souvenir de son interprétation dans l'intégrale des Odes and WelcomeSongs –, Johann Kuhnau, Nicolaus Bruhns, François Couperin, Georg Philipp Telemann, Jean-Sébastien Bach, Jean-Baptiste Pergolèse...

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James Bowman ne se refuse pourtant pas quelques échappées en terres plus « exotiques » – Vêpres d'Alexander Tikhonovitch Gretchaninov, Carmina Burana de Carl Orff – et manifeste un intérêt constant pour la musique de son temps. Il chante en effet le Confesseur lors de la création de l'opéra de Peter Maxwell DaviesTaverner (Covent Garden, 12 juillet 1972), crée le rôle d'Astron de l'opéra de Michael TippettThe Ice Break (Covent Garden, 7 juillet 1977) et défend de nombreuses pages contemporaines signées Richard Rodney Bennett, Betty Roe, Robin Holloway, Michael Nyman, Jacques Loussier, Geoffrey Burgon, Alan Ridout... À la tête d'une très vaste discographie, il s'associe aux voix de Robert Tear, d'Emma Kirkby, d'Yvonne Kenny et de Janet Baker, sous la direction de chefs réputés comme Ton Koopman, Frans Brüggen, Robert King, John Eliot Gardiner, Trevor Pinnock, Richard Hickox, Nikolaus Harnoncourt, Gustav Leonhardt, Christopher Hogwood, Pierre Pierlot, Charles Mackerras, Riccardo Chailly... Il tient le rôle de Feliciano dans Porporino, un pasticcio – airs provenant d'œuvres de compositeurs divers mais regroupés sur une intrigue nouvelle – donné en 1979 au festival d'Aix-en-Provence. Membre de la Chapel Royal d'Angleterre, il a fondé en 1995, avec le haute-contre français Bertrand Dazin, un ensemble baroque appelé La Cathédrale invisible.

James Bowman meurt le 27 mars 2023 à Redhill (Surrey, Royaume-Uni).

— Pierre BRETON

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