DEAN JAMES BYRON (1931-1955)
« Tout ce succès m'effraie. C'est arrivé trop vite. »
Trois films ont suffi à faire de James Dean, mieux qu'une star de cinéma, un emblème. Il est d'ailleurs probable que cette mort prématurée ait achevé d'envelopper sa figure, déjà charismatique, d'une enveloppe de romanesque et de légende. Son véritable culte, avec les excès inévitables qu'il entraîna, fut posthume et toucha autant les États-Unis que le monde entier. La pièce d'Ed Graczyck, Reviens Jimmy Dean, reviens (Come Back to the Five and Dime, Jimmy Dean, Jimmy Dean), filmée en 1982 par Robert Altman (qui réalisa dès 1957 le documentaire hagiographique The James Dean Story), atteste de la permanence du rêve de jeunesse incarné par l'acteur.
À travers lui, c'est en effet une génération entière qui manifeste son identité. James Dean est mort à l'âge de vingt-quatre ans, mais ce sont plutôt les 15-18 ans qui se retrouvent dans sa personnalité, plus romantique que réellement rebelle. Il est d'ailleurs notable que les films À l'est d'Eden, La Fureur de vivre et une bonne moitié de Géant ne limitent par leur propos à l'Amérique de l'après-guerre et évoquent, à travers son personnage, l'inconfort existentiel de la jeunesse, et non un simple problème social. L'action d'À l'est d'Eden se situe en 1917 et, adaptant une portion du roman éponyme de John Steinbeck, recrée l'éternel conflit entre Adam, Abel et Caïn (Cal dans le film, interprété évidemment par Dean). Une bonne moitié de Géant se déroule au début des années 1930. Seul La Fureur de vivre est pleinement contemporain. La fin de Géant, qui le montre en homme d'affaires cossu, moustachu, ivre, mûrissant et insatisfait, résonne symboliquement comme un refus de devenir adulte. Par ailleurs, jamais James Dean n'a incarné un asocial ou un marginal, mais toujours un jeune homme qui veut être reconnu par sa famille et sa communauté. À l'est d'Eden le montre développant une libre entreprise et, dans une scène cruciale, offrant à son père l'argent qu'il a gagné. Dans La Fureur de vivre, il porte le complet veston et la cravate, qui sont les signes de l'appartenance sociale et familiale qu'il recherche. Ce n'est que plus tard dans le film qu'il revêt son accessoire fétiche, le blouson en soie rouge, radicalement différent des implications sexuelles et sociales du blouson de cuir noir, plus provocateur, de Marlon Brando, à la même époque, dans L'Équipée sauvage (The Wild One, Laszlo Benedek, 1953). Face à la sclérose de la cellule familiale traditionnelle (rendue dans À l'est d'Eden et dans La Fureur de vivre par le même procédé technique d'une caméra déséquilibrée), Dean cherche à constituer un autre noyau social représenté par le trio qu'il forme avec Natalie Wood et Sal Mineo à la fin de La Fureur de vivre.
Si l'impact iconographique et sociologique de Dean ne fait aucun doute, un véritable débat s'est, en revanche, formé autour de ses qualités d'acteur, reposant largement sur une spéculation vaine : « Que serait-il devenu en vieillissant ? ». Dans À l'est d'Eden, il impose, sans doute sous le contrôle ferme d'Elia Kazan, un jeu sobre, mais inhabituel, surprenant, plus poétique que réaliste. L'extrême sensibilité de son visage, souvent tendre et implorant, était équilibrée par une gestuelle d'une grande richesse, à la grâce quasi chorégraphique (il avait appris la danse avec la chanteuse et danseuse Eartha Kitt) : corps ramassé en position fœtale, étirements félins, caresses du bout des doigts, onomatopées évoquant un ronron animal. On retrouve ces attitudes dans La Fureur de vivre, par exemple dans la mémorable ouverture où, allongé sur la chaussée, il observe le mouvement d'un jouet mécanique,[...]
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Écrit par
- Christian VIVIANI
: historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue
Positif
Classification
Média
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