CAMERON JAMES (1954- )
De l’histoire revisitée au posthumanisme
True lies (1994) et Titanic vont permettre à Cameron de réfléchir sur deux constantes de son œuvre : le mythe du héros et l'utilisation de la technologie. Dans True lies, Arnold Schwarzenegger accepte de remettre son image en question. Représentant commercial pour les siens, il est en fait un redoutable agent secret : l'acteur est délibérément plongé dans son environnement habituel ; et c'est de l'intérieur même de ses codes que le genre crée sa propre parodie. Pour Titanic, Cameron a mis à contribution les éléments de pointe de la technologie moderne. Il a fait appel à un des rares sous-marins capables de descendre à 4 000 mètres de fond et à un ROV, variété de machine-robot articulée et équipée d'une caméra vidéo qui peut se glisser à l'intérieur de l'épave, pour traduire, à travers un drame humain solidement charpenté, le plus grand échec technique du début du siècle : le naufrage du Titanic en 1912. Si la technologie n'apparaît pas en tant que telle ici, l'esthétique qu'elle a générée permet à Cameron de réinventer le film historique, tombé en désuétude. Titanic est une œuvre sur le passé, tournée comme un film de science-fiction.
Couronnement de ses recherches plastiques et philosophiques, James Cameron portait en lui le projet d’Avatardepuis des décennies. Mais l’évolution des technologies – et notamment la technique de la performance capture qui permet d’enregistrer les mouvements d’objets ou d’humains afin d’en contrôler la restitution visuelle à l’écran – ne lui a pas permis de les exprimer sur écran avant 2009, avec le premier volet d’Avatar.
Ce film joue brillamment une partition écologique et anticoloniale. En 2154, un vaisseau spatial atterrit sur la lointaine planète Pandora où vivent les Na’vis, des créatures humanoïdes effilées et bleutées dotées d’une longue queue. Les Terriens veulent s’emparer d’un métal rare qui s’y trouve enfoui. Un marine, Jake Sully (Sam Worthington), est chargé de négocier avec des responsables locaux. On lui a fabriqué un avatar (résultant d’un corps de Na’vi cloné et modifié génétiquement) afin qu’il puisse aller négocier sur place, tandis que son « vrai » corps demeure dans le vaisseau spatial. Une intrigue amoureuse se noue entre Jake et Neytiri (Zoe Saldaña), une femme Na’vi.
Avec Avatar, la voie de l’eau (2022), Cameron franchit le pas de son fantasme posthumaniste. Dix ans après l’épisode précédent, Jake est devenu biologiquement un Na’vi et n’a plus besoin d’avatar. Il a eu des enfants avec Neytiri : l’accouplement transespèces est possible, et Cameron le visualise grâce aux technologies de pointe dont il bénéficie maintenant. On est loin de la biomécanique de Terminator. À la forêt luxuriante du film de 2009 succèdent des étendues liquides particulièrement étourdissantes. Cette fois, le spectateur se trouve bien immergé dans un autre monde.
En 2024, sous le titre L’art de James Cameron, la Cinémathèque française (Paris) a consacré une exposition conséquente à l’œuvre du cinéaste, doublée d’un copieux catalogue.
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
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