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CRUMLEY JAMES (1939-2008)

James Crumley - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

James Crumley

En 1980, lorsque parut en France Le Chien ivre, premier livre traduit de James Crumley, peu de critiques s'en firent l'écho. Il s'agissait pourtant d'un récit admirable. Le protagoniste, le détective privé Chauncey Wayne Sughrue devait retrouver et ramener chez lui un romancier alcoolique. Cette recherche se transformait vite en quête picaresque avec exploration d'une succession de bistrots, jusqu'au moment où l'enquêteur découvrait l'écrivain attablé avec le chien Fireball Roberts, un bouledogue adorateur de bière. Et la balade continuait avec les trois compères. À l'époque, James Crumley était encore un inconnu, en France comme aux États-Unis. Ce Texan est issu d'une famille modeste – un père employé sur les derricks, une mère serveuse. Lui-même, dès douze ans, va travailler au désherbage et au ramassage du coton avant de quitter la maison familiale pour s'engager pendant trois ans dans l'armée. Il fréquente ensuite les universités agricoles du Texas et de l'Iowa, puis devient conférencier et enseignant, en particulier à Missoula, dans le Montana, où il s'installe. C'est là qu'il se lie avec le grand poète Richard Hugo, qui lui fait découvrir quelques maîtres du genre, comme Raymond Chandler et Ross MacDonald. Il passe trois ans à écrire son premier livre, Un pour marquer la cadence (1969), fable pessimiste et ambiguë inspirée par le conflit vietnamien. Cette variation sur les horreurs de la guerre met en scène un sergent dur à cuire et un soldat gauchiste qui s'affrontent.

C'est seulement six ans plus tard que paraît son premier roman noir, Fausse Piste (1975), qui marque aussi la naissance du détective privé Milton Chester Milodragovitch. Si le récit nous fait découvrir avec des yeux neufs les milieux hippie et homosexuel américains, il se lit aussi comme un hommage à Chandler (certains détails rappellent l'intrigue de Fais pas ta rosière). Avant Crumley, jamais un personnage comme Milodragovitch n'avait hanté le roman noir. Ce détective boit sans limite. Il se drogue, y compris à la cocaïne. Hippie vieillissant, il incarne l'héritage de la culture underground et du mouvement radical issus de la fin des années 1960. On le retrouve dans La Danse de l'ours (1983), où il doit surveiller les agissements d'un couple. Une enquête de routine qui, brusquement, va basculer dans une folle aventure pleine de violence. L'intérêt de ce roman réside dans le regard lucide que Milodragovitch porte sur le monde qui l'entoure. Sa vision reste désabusée, mais empreinte de tendresse pour les êtres piétinés par la société, et sa probité le conduira jusqu'à la vérité, aussi dure soit-elle à assumer.

Dans les livres suivants, James Crumley donne une vision plus ample encore de la société américaine. Dans Le Canard siffleur mexicain (1993), le détective Wayne Sughrue, devenu barman, est obligé de reprendre du service auprès de Norman l'anormal, un vieux motard qui veut retrouver sa mère. Sughrue, en compagnie de deux vétérans du Vietnam, traverse en minibus les États-Unis et une partie du Mexique. Une incroyable randonnée tout au long de laquelle Crumley esquisse le portrait d'une Amérique à la dérive. Dans Les Serpents de la Frontière (1997), sans doute son plus beau livre, il reprend le même thème, assorti d'autres variations. Pour la première fois, Sughrue et Milodragovitch sont associés. Le premier veut démasquer une bande de Mexicains qui cherchent à l'abattre ; le second, à récupérer son héritage, envolé avec un banquier véreux. Les deux hommes vont s'entraider tout au long du périple qui les mène à travers le sud-ouest des États-Unis. Leur route est semée de rencontres avec divers personnages attachants, et parfois ahurissants. Dans cette société où le dollar règne en maître, James Crumley fait entendre une voix discordante[...]

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James Crumley - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

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