DILLON JAMES (1950- )
Überschreiten (« transgresser », « enfreindre », « outrepasser ») : le mot allemand qui donne son titre à cette pièce du compositeur écossais James Dillon résume parfaitement la démarche et l'esthétique de ce dernier. Ce qui intéresse Dillon, c'est l'énergie, le son à l'état brut, le son par-delà le beau et le laid. Son domaine musical, c'est la singularité, son matériau premier un univers instrumental inattendu. Il y a du Varèse et du Xenakis dans sa musique. Anticonformistes, les œuvres de Dillon transcendent les formes conventionnelles de la rhétorique musicale et font des pieds de nez à tous les ghettos esthétiques de la modernité.
James Dillon naît à Glasgow le 29 octobre 1950. Adolescent, il joue dans des ensembles traditionnels écossais et dans des groupes de rock. À Londres, il étudie la linguistique, l'histoire de la musique – en s'intéressant tout particulièrement au Moyen Âge et à la Renaissance – ainsi que l'acoustique. Mais il peut être considéré comme autodidacte en matière de composition, un fait dont il est particulièrement fier. Il s'initiera cependant à la musique électronique en 1986, lors d'un séjour à l'I.R.C.A.M.
Dans une de ses premières œuvres, Ti.re-Ti.ke-Dha, pour batterie de jazz (1979), il fait acte de déconstruction référentielle : une série de cellules rythmiques issues du jazz, du rock mais aussi de la musique indienne élaborent une complexe constellation, sonore autant que gestuelle. ...Once Upon a Time, pour ensemble de huit instrumentistes, créé à York en 1980, assoit sa notoriété naissante. Son langage s'affirme avec l'utilisation de techniques « étendues » : dans Evening Rain, pour voix solo (1981), il explore le timbre de la voix à travers les techniques nasales, le yodle, des bruits vocaux sans hauteurs précises ; dans Sgothan, pour flûte solo (1984), il fait la part belle à tous les modes de jeu de la flûte, de l'émission simultanée de plusieurs sons aux trilles. L'influence de la musique spectrale se manifeste vers le milieu des années 1980, avec Windows and Canopies, pour ensemble de vingt musiciens (1985), Überschreiten, pour ensemble de seize musiciens (1986), ou helle Nacht, sa première œuvre pour grand orchestre (1987). Parmi ses pièces pour grand orchestre, citons encore Via Sacra (2000), La Navette (2001), Andromeda (2006) et Physis I-II (2008). Il signe également sept quatuors à cordes (1983-2013) et un opéra, Philomela (2004).
À l'instar de Harrison Birtwistle, Richard Barrett, Chris Dench, Brian Ferneyhough, Gérard Grisey ou Antoine Bonnet à la même époque, Dillon aime organiser ses compositions en ensembles, comme dans le « triptyque germanique » constitué par Überschreiten, helleNacht et Blitzschlag, pour flûte et orchestre (1988-1996), mais aussi dans The Book of Elements I-V, pour piano (1997-2002), et Traumwerk I-III (1995-2002). Cette préoccupation culmine dans le vaste cycle de neuf pièces au titre générique de Nine Rivers, comprenant huit pièces qui unissent leurs effectifs dans la dernière, Oceanos, pour voix, orchestre et électronique (1996) : East 11th St NY 10003, pour six percussionnistes (1982), L'ÉCRAN parfum, pour six violons et trois percussionnistes (1988), Viriditas, pour seize voix solistes (1993-1994), La Femme invisible, pour ensemble de douze musiciens (1989), La Coupure, pour percussions et électronique (1989-2000), L'Œuvre au noir, pour ensemble instrumental et électronique (1990), éileadh sguaibe, pour instruments à vent, percussions et électronique (1990), et Introitus, pour douze cordes et électro-acoustique (1989-1990). Ce cycle est joué pour la première fois dans son intégralité en 2010.
Musiques de l'instabilité, de la tension exacerbée, de la simultanéité, de la totalité, du grouillement massique – méticuleusement élaboré, cependant,[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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