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ELLROY JAMES (1948- )

Une histoire de l'Amérique

Avec American Tabloid(1995) débute un cycle encore plus ambitieux que le précédent. Los Angeles, ville du Mal, fait place à 'un gigantesque projet : raconter l'histoire de l'Amérique du crime de 1958 à 1972, années durant lesquelles corruption, chantages, manipulations et assassinats politiques furent la règle d'or du système. Quatre personnages, Pete Bondurant (ex-marine), Kemper Boyd et Ward J. Littell (FBI), John Stanton (CIA), sont au centre d'un récit épique et foisonnant, raconté à quatre voix. Ce premier épisode relate entre autres l'invasion manquée de Cuba, dite opération de la baie des Cochons (financée par la mafia), l'élection du président John Kennedy (soutenu par la mafia). Le récit s'achève le 22 novembre 1963, alors qu'un contrat vient d'être lancé contre le président des États-Unis. Tout naturellement, c'est par l'assassinat de celui-ci, perpétré à Dallas, ce même jour, que s'ouvre American Death Trip (2001), un livre de 859 pages, et le second épisode de la trilogie, publié à l'époque en première mondiale en France. Cet assassinat, Ellroy le reconstitue en s'appuyant sur sa thèse personnelle selon laquelle il y avait deux tireurs, et en entremêlant des faits historiques réels avec sa propre fiction, et sa propre vision de la société américaine. Pour la première fois apparaissent trois femmes jouant un rôle important puisqu'elles conduisent les personnages centraux masculins sur le chemin du remords et de la rédemption et apportent une parcelle d'humanité à cette superbe épopée. Underworld USA (2010) vient clore la trilogie. Dans ces trois romans, l'écriture, d'un behaviorisme exacerbé, aboutit à une forme totalement maîtrisée : phrases courtes, souvent sans verbe, descriptions réduites au minimum, nombreux dialogues, extraits d'articles de presse, d'écoutes téléphoniques, soit une masse considérable d'informations.

Avec son goût pour la démythification de l'Amérique, son sens de la tragédie épique et son style si personnel, James Ellroy se révèle l'écrivain le plus novateur du roman noir moderne. Il le démontre encore avec Ma Part d'ombre (1997), où il raconte ses recherches, avec l'aide d'un ancien policier, pour retrouver l'assassin de sa mère. Une partie du livre, autobiographique, permet de mieux cerner la personnalité de cet écrivain majeur dont l'exemple a suscité en France et dans le monde quelques belles vocations de romanciers. Son œuvre riche et originale ne pouvait manquer d'intéresser les cinéastes. Toutefois, le résultat n'est pas toujours à la hauteur de son sujet, et si L.A. Confidential (Curtis Hanson, 1997) constitue une réussite, l'approche de l'univers de l'écrivain est moins évidente dans Cop, d'après Lune sanglante (J. B. Harris, 1988), Brown's Requiem (Jason Freeland, 1991), ou Le Dahlia noir (Brian de Palma, 2006). Faisant suite à The Night Watchman de David Ayer (2008), avec James Ellroy lui-même comme scénariste, le tournage de White Jazz par Joe Carnahan (auteur de Narc), et avec George Clooney, portera à onze films ou téléfilms le nombre d'adaptations.

— Claude MESPLÈDE

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Média

James Ellroy - crédits : Ulf Andersen/ Getty Images/ PxP Gallery

James Ellroy

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