ENSOR JAMES (1860-1949)
Artiste d'exception, Ensor, peintre et graveur belge, atteint la pleine maîtrise de ses moyens dès l'âge de vingt ans, mais sa prodigieuse imagination créatrice semble se tarir avant le tournant du xxe siècle. On a comparé sa carrière à un film montrant à l'accéléré près d'un demi-siècle de peinture, allant du naturalisme à l'expressionnisme et au surréalisme en passant par l'impressionnisme, le symbolisme et le fauvisme. On ne peut donc associer son nom à un style pictural défini ; il les transcende tous. Il n'a pas davantage élaboré de théorie artistique, mais a assimilé, en se jouant de leurs limites, toutes celles qui se sont succédé. Méconnu pendant ses années de génie, il fut fêté dans sa vieillesse, alors qu'il ne faisait que se survivre. Bien qu'il n'ait pas formé d'élève, tous les peintres belges contemporains se reconnaissent une dette à son égard. Son influence fut très grande dans les pays germaniques et nordiques ainsi qu'aux États-Unis. Il fut le « précurseur » de nombreux peintres : Frits Van den Berghe et Alechinsky, Nolde, Heckel, Grosz, Kubin, Klee, Jorn... Peintre des masques et des squelettes, individu solitaire, tourmenté par ses démons, il incarne l'inquiétude moderne, l'esprit de provocation, le conflit entre l'artiste et la société. Ses incursions dans le fantastique, sa fuite hors du réel touchent la sensibilité contemporaine plus que l'évasion d'un Gauguin vers un Éden mythique. Psychologues et psychanalystes se penchent sur le mystère de son brusque déclin, tandis que le message de ses jeunes années prend une signification universelle.
Ensor et son temps
James Sydney Ensor est né à Ostende d'une mère flamande et d'un père anglais qui, grand bourgeois cultivé, finit par devenir un raté. Sa famille tint longtemps une boutique de coquillages, d'objets exotiques et de souvenirs, qu'Ensor conserva plus tard en tant que décor insolite et chargé de sens. Il vécut « rivé à la mer », subjugué par sa lumière changeante. Ses débuts furent brillants mais très discutés. Dès 1881, il expose à Bruxelles qui devenait alors un centre artistique et littéraire très ouvert aux apports nouveaux. En 1884, il compte parmi les fondateurs du « groupe des XX », cercle d'avant-garde qui allait exposer Seurat, Gauguin, Van Gogh et Cézanne. À maintes reprises, les œuvres d'Ensor font l'objet d'attaques violentes. Cette même élite intellectuelle, qui prône l'audace et la liberté, condamne le mélange de bouffonnerie et de cauchemar qui caractérise le génie d'Ensor, mélange dont il n'existe d'équivalent que chez Goya. L'influence des néo-impressionnistes français sur la peinture belge le rejette dans l'isolement pendant plusieurs années. Ensor se révèle alors anxieux, irascible, agressif. Cependant Verhaeren et Edmond Picard, le poète Grégoire Le Roy, l'écrivain Eugène Demolder le défendent avec lucidité, et, en 1899, un numéro spécial de la revue française La Plume lui est consacré. Des visiteurs étrangers trouvent le chemin de sa maison. Après la Première Guerre mondiale, des mécènes anversois mènent campagne en sa faveur et créent une salle Ensor au musée d'Anvers, qui possède aujourd'hui plus d'une quarantaine de ses peintures. Le succès vient lentement et puis, brusquement, c'est la gloire. En 1929, Ensor est élevé à la baronnie. Vieillard choyé, « doré sur tranche », goguenard, il dissimule, sous les feux d'artifice de ses discours, les lézardes de son génie. L'une de ses phrases à l'emporte-pièce est souvent citée : « Les suffisances matamoresques appellent la finale crevaison grenouillère. »
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Écrit par
- Francine-Claire LEGRAND : conservateur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique
Classification
Média
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