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HUTTON JAMES (1726-1797)

Deux hommes formés dans la pensée du xviiie siècle – Lamarck (1744-1829) et Hutton – vont léguer à la géologie du xixe siècle deux paradigmes nouveaux, inducteurs d'une grande révolution scientifique. Le premier crée le transformisme biologique, le second ce que l'on peut appeler le transformisme lithologique : les êtres vivants se sont modifiés ; de même, les roches, ces monuments du passé, ont pu changer de nature, et leur état actuel ne reflète alors que cet acte de transformation. De statique, le monde devient fluctuant et dynamique.

C'est à ce titre-là surtout que l'Écossais James Hutton mérite d'être appelé « le fondateur de la géologie moderne ». Pour ses contemporains immédiats, l'œuvre de Hutton pouvait paraître peu convaincante. Le titre même de son ouvrage fondamental, Theory of the Earth, évoquait toute une lignée de constructions spéculatives inaugurées en 1681, sous un titre semblable– Telluris theoria sacra –, par Thomas Burnet (1635 env.-1715), et généralement toutes mêlées de théologie (sauf celle de Buffon). Hutton lui-même s'appuie au départ sur un finalisme déiste explicite, dans l'esprit de la théologie naturelle. Publié en 1788, développé en 1795, son système géologique usait d'un langage qui se verra rejeté par la génération suivante, férue de science concrète et positive. Son ami et disciple John Playfair en était conscient, qui donnera en 1802 Illustrations of the Huttonian Theoryof the Earth, belle et claire exposition, fondée sur les faits, de la doctrine proprement géologique de Hutton.

Il faut bien comprendre que Hutton était un philosophe autant qu'un homme de science : sa théorie de la Terre ne constituait qu'une partie d'un système de pensée beaucoup plus vaste, englobant le monde physique et l'univers de la connaissance, en une démarche un peu similaire à celle de Kant. On se limitera ici à ce qui a trait à la géologie.

La toile de fond : le neptunisme

Il n'est pas vrai (comme on l'a trop souvent dit) que ce soit Hutton qui ait introduit l'affirmation d'une très longue durée des temps géologiques – même Jean André De Luc (1727-1817), pourtant fidèle à la Bible, et adversaire courtois de Hutton, s'y était déjà rallié –, ni celle de l'identité des processus passés et actuels, notamment en matière d'érosion (toute une école, surtout française, l'affirmait, d'Henri Gautier, en 1721, à Nicolas Desmarest, François Dominique de Reynaud, comte de Montlosier, etc., dans les années 1780). Hutton se contente d'embrasser le tout dans une synthèse cohérente, un système complet.

Mais la science naissante de la Terre, dans un consensus presque universel, bénéficiait alors d'une théorie globale unificatrice apparemment satisfaisante, à savoir la doctrine neptunienne. Cette théorie, très logiquement, postulait une genèse graduelle des grandes formations superposées constituant le sous-sol, successivement déposées, voire précipitées, au sein d'un océan universel aux eaux peu à peu abaissées et progressivement épurées. Le visage actuel du globe était ainsi issu d'une évolution physique à sens unique, irréversible ; les uns ponctuaient cette évolution de catastrophes, d'autres, non. La doctrine neptunienne ne dépendait pas de présupposés religieux (son plus influent défenseur, le célèbre Abraham Gottlob Werner, était franc-maçon). Le neptunisme servait de credo théorique à la géognosie, science purement objective de la distinction et de la description des divers ensembles lithologiques formant le bâti d'une région (en termes actuels, les étages structuraux). On tenait chaque type tranché de roche pour le produit, la « formation » caractéristique d'un âge donné de la Terre. La plus basse, donc la plus ancienne, était le granite ; on trouvait[...]

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