HUTTON JAMES (1726-1797)
De la médecine à la géologie
Fils de négociant, James Hutton naît à Édimbourg, le 3 juin 1726 ; il témoigne d'un intérêt précoce pour la chimie. Sans doute est-ce l'une des raisons qui le poussent à faire des études médicales, à Édimbourg, puis à Paris, enfin à Leyde. De retour en Écosse, il renonce à exercer la médecine et se tourne vers l'agronomie, qu'il pratiquera personnellement (de 1754 à 1768) en exploitant avec succès une petite ferme familiale. Revenu à Édimbourg, il anime avec un ami une petite manufacture de sel ammoniac. D'humeur très sociable, il entretient de fidèles amitiés intellectuelles, notamment avec Joseph Black, Adam Smith, James Watt, puis John Playfair et James Hall (qui tous deux poursuivront son œuvre). Hutton a attendu ses dernières années pour publier ses œuvres les plus importantes : Dissertations on Different Subjects in Natural Philosophy (Édimbourg, 1792), An Investigation of the Principles of Knowledge (3 vol., ibid., 1794), Theory of the Earth (ibid., 1788, amplifié hâtivement avec publication incomplète en 1795) ; sont restés inédits de son vivant le tome III de ce dernier ouvrage (imprimé seulement en 1899) et un traité d'agriculture, comprenant d'intéressantes observations géologiques. À sa mort, presque tous ses papiers personnels ont disparu : d'où d'insolubles interrogations sur le cheminement de sa pensée et sur les sources précoces de ses idées.
Médecine, agronomie, chimie sèche, réflexions profondes sur la matière et sur la chaleur, tout cela a contribué au mûrissement du système de la Terre de Hutton, appuyé sur d'excellentes observations de terrain. Sa seule œuvre de jeunesse – sa thèse de doctorat en médecine, soutenue à Leyde en 1749 – traite « du sang et de la circulation du microcosme » ; elle insiste sur le cycle sans fin du sang et des humeurs, où l'organisme se révèle capable de « restaurer son déclin quotidien par l'effet de la cause même de destruction ». Quarante ans plus tard, c'est le macrocosme terrestre qui est décrit presque dans les mêmes termes : « Ainsi nous voyons une circulation dans la matière de ce globe [...]. La Terre, tel le corps d'un animal, s'use en même temps qu'elle se répare [...]. Ce monde est ainsi détruit d'un côté, renouvelé ailleurs. » Le titre complet du mémoire initial de 1788 est du reste explicite : Theory of the Earth : or an Investigation of the Laws Observable in the Composition, Dissolution, and Restoration of Land Upon the Globe (« Théorie de la Terre ; ou une investigation des lois observables dans la composition, la dissolution et la restauration du continent[Land]sur la Terre »).
L'agronomie a fait comprendre à Hutton que la décomposition des roches est la condition nécessaire de l'entretien de la vie végétale, elle-même indispensable aliment de la vie animale (et humaine). Or, comme il a adopté implicitement la vision d'Aristote d'un univers exempt de crises majeures et potentiellement éternel, il fait sienne l'idée qu'à terme l'action des eaux courantes nivelle entièrement les continents, que la mer submergera (perspective pessimiste qui avait fort inquiété certains de ses devanciers). Le finalisme de Hutton, sa foi en un dessein s'insurgent : il faut que la vie (supérieure) puisse se perpétuer, car son maintien est le but même de l'admirable machine qu'est la Terre. Ce monde actif, dont la fabrique découle d'une sagesse, ne nous permettra de juger pleinement de celle-ci que si nous avons présents à l'esprit la structure d'ensemble, les matériaux constitutifs, et les puissances variées à l'œuvre, qui s'accordent ou se contrebalancent. La Terre ne peut-elle pas être considérée en un sens comme un corps organisé ? Elle doit alors nous dévoiler une puissance de reproduction, une opération de restauration de ses reliefs émergés.[...]
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Écrit par
- François ELLENBERGER : professeur émérite à l'université de Paris-Sud
Classification
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