HUTTON JAMES (1726-1797)
Le cycle géostrophique et le plutonisme
La lente érosion (le temps n'est rien pour la nature) remplit peu à peu le fond des mers de sédiments meubles. Mais, à terme, la chaleur va gagner cette masse de couches ; les dépôts vont se durcir ; une partie va fondre (abusivement, Hutton étend cette idée au sel gemme, aux silex, etc.). Sous l'effet de l'immense puissance d'expansion qu'exerce la chaleur souterraine, ces produits de fusion vont être introduits de force, violemment, dans les fractures des couches consolidées et, souvent, transformées. Ainsi naît le granite, non plus roche primordiale, mais au contraire plus jeune que l'encaissant. Ces processus se font en profondeur : d'où le terme, rapidement créé, de plutonisme pour caractériser cet aspect du système huttonien. Les couches sont brutalement brisées et déformées de diverses façons. Le tout est soulevé en masse au-dessus du niveau des mers : ainsi naissent de nouvelles montagnes, une nouvelle terre ferme.
À leur tour, les eaux courantes les nivelleront peu à peu, tandis que leurs débris iront se déposer sur la tranche des couches des anciennes montagnes arasées devenues fond de mer. L'observation de discordances angulaires typiques (cf. illustration) constitue la preuve palpable de ce vaste processus (notre cycle géostrophique) ; Hutton les a prévues ; il les découvre après coup, et en comprend de suite tout le sens. De même, il recherche, il trouve, a posteriori, des restes de fossiles dans le « schiste alpin » du complexe basal : le « Primitif », azoïque par essence, prétendu produit de conditions initiales sans équivalent ultérieur, n'existe pas. Ce ne sont que les sédiments transformés, issus de l'érosion de reliefs encore plus anciens : Hutton, apport décisif, introduit donc, ce faisant, le concept de métamorphisme. Au cours de l'immensité sans limite de la durée, on a ainsi « une succession de mondes ». D'où, en conclusion, ces paroles hardies : « Ainsi, le résultat de notre présente enquête est que nous ne trouvons ni vestige d'un commencement, ni perspective d'une fin. »
Entre 1800 et 1830, la théorie huttonienne est peu à peu justifiée. James Hall fait cristalliser en masse, sous pression, des sédiments chauffés en vase clos. Leopold von Buch trouve des granites à l'évidence intrusifs. Ami Boué et maints autres savants démontrent la réalité du métamorphisme (Lyell crée le terme). Léonce Élie de Beaumont établit sans réplique la réalité de « soulèvements » passés répétés. Vers la fin du xixe siècle, Marcel Bertrand assure le triomphe définitif des visions prophétiques de Hutton en décrivant les cycles orogéniques récurrents, faits de processus lents, sans catastrophes, où chaque fois naissent des granites, des gneiss, des micaschistes : le Primitif est mort pour de bon.
Mais, si ces confirmations ont été possibles, c'est grâce à la possibilité, offerte par l'échelle des fossiles, de dater les événements. Hutton s'en désintéresse : son monde cyclique était stable au point d'interdire toute histoire véritable de la Terre. Ce génial promoteur de tant de développements futurs du xixe siècle était, à cet égard, resté un homme du passé.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- François ELLENBERGER : professeur émérite à l'université de Paris-Sud
Classification
Autres références
-
THEORY OF THE EARTH (J. Hutton)
- Écrit par Florence DANIEL
- 295 mots
L'Écossais James Hutton (1726-1797) publie en 1795 Theory of the Earth, ouvrage considéré comme majeur dans l'histoire de la géologie. Il y développe une synthèse complète et cohérente de la machine « Terre » en proposant une vision cyclique de son histoire.
Le système de James...
-
GÉOLOGIE - Histoire
- Écrit par François ELLENBERGER
- 6 554 mots
- 5 médias
...d'Angleterre (1799-1816). Enfin, l'inexistence d'une formation « primitive » originelle est peut-être l'innovation majeure apportée par James Hutton (1726-1797) dans sa célèbre Theory of the Earth (1788, 1795), synthèse archaïque de ton, audacieusement novatrice sur le fond. La Terre,... -
GRANITES ET RHYOLITES
- Écrit par Bernard BONIN , Jean-Paul CARRON , Georges PÉDRO et Michel ROBERT
- 8 485 mots
- 16 médias
...neptuniste », avec A. G. Werner qui supposait le granite très ancien et produit par la sédimentation au sein d'un océan primitif, et « plutoniste », avec J. Hutton, qui insista dans sa thèse, en 1787, sur l'origine profonde et le mode intrusif de la mise en place du granite. Cette « controverse », partant... -
HALL sir JAMES (1761-1832)
- Écrit par Myriam COHEN
- 137 mots
Géologue écossais fondateur de la géologie expérimentale, James Hall, né à Dunglass, fait ses études à l'université de Cambridge, puis à l'université d'Édimbourg où il devient l'ami de J. Hutton.
Voulant vérifier les théories de ce dernier sur l'origine des roches,...
-
HALL : GÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE
- Écrit par Florence DANIEL
- 124 mots
Le géologue écossais James Hall (1761-1832) est considéré comme le fondateur de la géologie expérimentale. Il a reproduit expérimentalement les théories de James Hutton sur l'origine ignée (magmatique) des roches : en partant d'un basalte fondu se refroidissant lentement, il est parvenu à...
- Afficher les 7 références