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PAULDING JAMES KIRKE (1778-1860)

Des trois écrivains qui illustrèrent la floraison littéraire de l'État de New York dans les années qui suivirent la « seconde guerre d'Indépendance » (celle de 1812-1815 avec l'Angleterre), James Kirke Paulding est le moins connu et son œuvre a été éclipsée par celle de son ami et beau-frère Washington Irving comme par celle de James Fenimore Cooper. À la différence du premier, il n'est pas parti en Europe ; à la différence du second, il n'a que par à-coups travaillé sur une trame continentale, mais ce provincialisme lui a permis d'« inventer » un matériau véritablement autochtone. Né pendant la guerre d'Indépendance, il a grandi dans le petit village de Tarrytown. Depuis 1664, La Nouvelle-Amsterdam était anglaise, mais il restait encore de ces enclaves hollandaises qu'a pu décrire Washington Irving dans sa Legend of Sleepy Hollow. Le meilleur Paulding se trouvera dans l'évocation de ce petit monde hollandais, notamment dans The Dutchman's Fireside (1831) qui, comme le Satanstoe (1845) de Cooper, se passe à Albany pendant les guerres indiennes du xviiie siècle.

La secousse révolutionnaire et plus tard la ruine de son père sont venues troubler ce que le jeune James aurait aimé rêver comme un enclos rural à la Crèvecœur. Il gardera de cette double expérience une attitude ambivalente à l'égard de l'Amérique et de ses mutations. Quand il prend le bateau en 1796 pour descendre l'Hudson jusqu'à New York City, Paulding ne connaît que son village. Sa carrière littéraire commence en 1807 avec les esquisses et portraits à la manière anglaise d'Addison et de Steele qu'il fait pour le recueil publié avec Washington Irving : Salmagundi, or the Whim-Whams and Opinions of Launcelot Longstaff, Esq. and Others. La guerre contre les Anglais engendre une flambée de nationalisme qu'il exploite dans sa satire burlesque The Diverting History of John Bull and Brother Jonathan (1812), puis encore dans John Bull in America, or the New Munchhausen (1825). Du ressentiment du provincial snobé par le gentleman anglais naît le portrait du « péquenaud » yankee d'autant plus finaud qu'il est naïf, et dont le folklore allait faire la fortune.

En 1818, Paulding publie une longue épopée en vers, The Backwoodman (Le Forestier), qui reprend le personnage du petit propriétaire rural indépendant chanté par Crèvecœur : mais en 1818 Basil, le héros, ne peut plus vivre dans l'État de New York cette vie arcadienne ; il doit partir vers l'Ouest et reconstruire « aux frontières » une utopie menacée. Il rejoint donc la grande migration de 1816 vers les bords de l'Ohio. Le sentiment de la précarité de l'idéal pastoral est dans ces années-là d'autant plus vif que New York est en pleine mutation économique. L'Ouest comme dernier espoir et refuge de l'utopie agrarienne, c'est également le thème de Westward Ho ! (1832) qui se passe dans un Kentucky où Paulding n'est jamais allé, mais dont il a lu les descriptions dans les Recollections of the Last Ten Years (1826) de Timothy Flint. En 1832, ce n'est déjà plus, pour lui, le yeoman farmer de Crèvecœur qui représente l'idéal agrarien de Jefferson, mais le planteur du Sud : Cuthbert Dangerfield est un aristocrate virginien qui a pour le Nordiste Paulding tous les stigmates de sa classe : son amour des chevaux, de l'alcool, des duels et du jeu lui a fait perdre sa plantation, mais dans l'Ouest il peut reconstituer un enclos rural, vertueux cette fois, que ne minera pas pour autant « l'industrie » yankee.

Entre-temps, l'Ouest a vu surgir un autre type de personnage : l'homme des bois grand chasseur, grand hâbleur. Davy Crockett est en train d'exploiter sur la scène politique ce personnage folklorique quand l'acteur James Hackett commande à Paulding une pièce qui va faire[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure

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