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TURRELL JAMES (1943- )

James Turrell est né à Los Angeles en 1943. Il a suivi des études de psychologie et de mathématiques avant sa formation en art à l'université de Californie (à Irvine), en 1965-1966, achevée avec un Master à la Claremont Graduate School en 1973. Sa voie esthétique est pourtant déjà bien définie à cette date. Dès 1967, l'artiste présente au Pasadena Art Museum une série d'œuvres fondées sur de simples projections de lumière colorée dans des pièces vides, qui donnent lieu à de suggestives ambiguïtés optiques : les Cross-corner Projections et les Single-wall Projections. Dans les premières, la lumière projetée produit l'effet d'un volume géométrique suspendu dans un angle, elle prend l'aspect d'une substance transparente, en lévitation ; dans les secondes, elle vient frapper le mur à plat, qu'elle découpe, fragmente, laissant naître le doute quant aux frontières du vide et de la matière. Avec ces dispositifs, James Turrell pose les fondements de sa démarche : agir sur la perception de l'espace existant, empêcher sa réception passive, pour conduire le spectateur au dépassement de soi. Dans ses nombreuses installations lumineuses, comme dans ses interventions sur le paysage, qui peuvent s'inscrire dans la postérité du land art, Turrell opère avec une rare intelligence technique. Son œuvre échappe à toute conception étriquée de style ou de mouvement. Elle en vient à refonder l'art en tant qu'expérience totale.

En 1968-1969, dans le cadre du programme Art and Technology, lancé par le Los Angeles County Museum, Turrell collabore avec le psychologue Edward Wortz, au sein de la Garrett Aerospace Corporation. Ce dernier s'intéresse aux changements de perception expérimentés par les astronautes dans l'espace, testés dans des pièces étanches à la lumière et au son. Le fruit de cette expérience est Project 1.15.69 (janvier 1969), le premier Ganzfeld conçu par Turrell, terme scientifique désignant un champ de lumière parfaitement homogène. L'artiste prévoit d'introduire le spectateur dans cet espace coloré par l'ascension progressive d'une plate-forme, où l'on s'étend comme sur un lit ou une civière. Ce dispositif réapparaît en 1991 dans Alien Exam, puis en 1993 dans Gasworks, deux pièces où le spectateur, allongé, est glissé dans une sphère à couleur variable, qui l'isole complètement du monde extérieur. Le principe du Ganzfeld, étendu à une série Cellules Perceptives, à laquelle appartiennent les humoristiques Telephone Booth (Cabines téléphoniques), engendre la perte de tout repère dimensionnel : la lumière devient l'unique générateur d'un espace illimité. Son équivalent sonore est Soft Cell, en 1992, une pièce sourde, où le spectateur, plongé dans une quasi-obscurité, est ramené aux seules pulsations émises par son propre corps.

Dans l'œuvre de Turrell, la conscience du monde passe par la conscience de soi. On a pu évoquer son éducation dans une communauté de quakers pour expliquer le choix de la lumière comme outil de cette double révélation. De son adolescence, l'artiste a aussi gardé une fascination pour les récits d'aviateurs : Blériot, Lindbergh, Saint-Exupéry. La conquête spatiale, par-delà l'engouement technologique, équivaut pour lui à une communion intime avec l'Univers. C'est là le sens de son opus magnum, le Roden Crater, un volcan éteint acheté en 1979, dans le désert de l'Arizona. Au terme des excavations et aménagements, encore inachevés, ce site est amené à devenir un observatoire à ciel ouvert : corridors et pièces sphériques offrent un itinéraire modelé sur les trajectoires des astres et des planètes. Le dispositif perceptif devrait projeter le spectateur dans les rythmes infinis du temps cosmique grâce à une « mise en tension » spéculaire du ciel et de la Terre.[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, responsable de programmation au musée du Louvre

Classification

Autres références

  • INSTALLATION, art

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    • 3 512 mots
    • 1 média
    ...ouvert la voie à des artistes soucieux de révéler une hyper-acuité, une perception « mystique » située au-delà de l'iconographie et du visible. L'Américain James Turrell compose des « fenêtres-espace », libérant le spectateur par une immersion rétinienne totale dans des bains lumineux et colorés, aboutissant...