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KOCHANOWSKI JAN (1530-1585)

Un lyrisme bien tempéré

Kochanowski est avant tout un poète lyrique. Les Bagatelles (Fraszki, 1584) sont un recueil de pièces sans prétention, nées au hasard des circonstances et qui, dans la tradition des foricœnia, sous des formes diverses – anecdotes, récits, épigrammes, fables ou portraits, gaillardises ou réflexions graves –, constituent une sorte de chronique pittoresque et piquante de la vie sous les Sigismonds, en même temps qu'un portrait du poète qui, plus d'une fois, parle de lui-même et de son ouvrage. La variété des formes prosodiques, celle des thèmes, l'unité de la réflexion morale et philosophique soulignent expressément (outre les traductions et les paraphrases) la parenté des Chants (Pieśni, 1585) avec les Carmina d'Horace. Le poète réussit à renouveler l'expression non seulement du thème érotique, mais des lieux communs d'une sagesse puisée dans Horace, Cicéron, Sénèque. Le culte de la vertu et l'amour de la vie, l'équilibre entre un épicurisme délicat et un stoïcisme sans raideur esquissent l'idéal de l'honnête homme tel que le conçoit Kochanowski et définissent sa notion de la sagesse qui est essentiellement un art de vivre puisque, finalement, seule l'expérience de la vie en mesure la valeur. C'est ce que soulignent les Thrènes (Treny, 1580), où la mise en question des philosophies qui ne tiennent pas devant la réalité de la mort conduit, au-delà de la révolte, à l'acceptation des lois de la nature selon l'exhortation virile de « porter en homme la condition d'homme ». Une conception voisine, dans le registre idyllique, se dégage du Chant de la Saint-Jean (Pieśń swiȩtojańska o Sóbótce), où le poète célèbre la paix et le bonheur rustiques, l'accord de l'homme avec la nature selon l'ordre des travaux et des jours, dans le maintien des traditions.

L'art de Kochanowski est fait d'ordre et de mesure, de concision et de clarté ; tout y tend vers l'équilibre et l'harmonie : l'inspiration y est disciplinée par les règles du métier, l'observation de la vie enrichie par les souvenirs de la culture, le réalisme affiné par le sens de la poésie. Tour à tour grave ou amusé, le poète est toujours simple, naturel, direct. Par sa nature comme par sa conception du métier poétique, il est porté non vers les œuvres monumentales, mais vers les formes brèves, soigneusement concertées, polies et repolies, où tout est dit avec la plus grande économie de moyens. Ce poète est essentiellement tempéré.

— Jean BOURRILLY

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