JAN VAN DER MEER DE DELFT, Théophile Thoré-Bürger Fiche de lecture
Parmi les nombreux titres qui font de Théophile Thoré (1807-1869) l'un des critiques d'art français les plus importants de la monarchie de Juillet et du second Empire, l'ouvrage consacré à la redécouverte de Vermeer est l'un des plus célèbres. C'est en effet grâce à Thoré qu'un peintre du xviie siècle largement tombé dans l'oubli reprit sa place aux côtés de Rembrandt et de Frans Hals comme l'une des figures majeures du Siècle d'or hollandais.
Journalisme et histoire de l'art
Thoré, qui était un journaliste politique très engagé dans les milieux révolutionnaires et républicains, avait commencé sa carrière de critique d'art sous Louis-Philippe, au milieu des années 1830, et s'était rapidement imposé dans ce domaine. Il s'intéressait alors à l'art contemporain. Après les journées de juin 1848, il avait dû s'exiler et ne rentra en France qu'en 1860. Entre-temps, il voyagea beaucoup, aux Pays-Bas, en Angleterre, et en Belgique où il s'établit, écrivant pour les journaux des articles repris parfois en volume, s'intéressant aussi bien aux expositions temporaires qu'aux collections des musées, alors en plein développement et encore relativement peu connus. Il étudia l'art flamand et surtout l'art hollandais, qu'il préférait parce que ancré dans la réalité quotidienne, proche du peuple et apte ainsi à engendrer le progrès, but ultime à ses yeux de la création artistique, dont la valeur se mesure aussi à son utilité sociale (en France, Thoré fut un ardent défenseur du réalisme et des peintres de Barbizon). C'est ainsi qu'il publia, dans L'Indépendance belge, une série d'articles consacrés à la galerie d'Arenberg, une collection privée de Bruxelles accessible au public : « Pour la visiter, note-t-il, il suffit de faire demander une permission par le concierge. » Reprise en France par la revue L'Artiste, mais aussi par plusieurs journaux allemands, finalement publiée en volume à Paris, Bruxelles et Leipzig en 1859, la Galerie d'Arenberg à Bruxelles, avec le catalogue complet de la collection, signée de son pseudonyme, William Bürger, marque le début de la redécouverte de Vermeer (auquel Thoré avait déjà fait référence en étudiant, dans le premier tome de ses Musées de Hollande paru en 1858, la célèbre Vue de Delft).
L'essentiel de la collection était formé de tableaux hollandais. C'est donc à eux que s'intéresse Thoré, commençant, comme c'était naturel, par les noms connus : Rembrandt, Gérard Dou, Philips Koninck, Nicolas Maes. « Mais voici un autre grand artiste, poursuit-il, un original incomparable, un inconnu de génie, bien plus inconnu que Nicolas Maes et Philip Koninck, et qui a peut-être plus de génie qu'eux, et qui, comme eux, se rattache aussi, selon moi, à Rembrandt : c'est Jan Van der Meer de Delft. » Thoré récapitule ensuite ce que l'on sait sur Vermeer, en réalité peu de choses, et fait le décompte de ses œuvres connues : un paysage au musée de La Haye (c'est la Vue de Delft), deux tableaux dans une collection privée à Amsterdam, un tableau attribué dans un musée de la même ville, et le portrait de jeune fille de la galerie d'Arenberg (aujourd'hui au Metropolitan Museum of Art de New York), auquel il faut ajouter un tableau que Thoré ne connaissait pas directement, dans la collection Czernin, à Vienne (L'Allégorie de la peinture). Thoré a l'intuition que beaucoup de Vermeer se trouvent sans doute conservés sous la signature, plus connue, de Pieter de Hooch. « Quand les artistes et les amateurs seront éveillés sur le mérite et la valeur des Van der Meer, il s'en retrouvera, qui se vendront plus cher que sous la firme de Pieter de Hooch. Pour ma part, je me féliciterai d'avoir contribué à la résurrection de ce[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média