JAN VAN DER MEER DE DELFT, Théophile Thoré-Bürger Fiche de lecture
Un premier catalogue raisonné
La publication de ces articles (Thoré parle à ce sujet d'une « immense publicité ») réveilla le monde des amateurs, des connaisseurs et des marchands. Très vite de nombreux correspondants lui écrivirent, pour lui signaler tel ou tel tableau. Il réussit peu à peu à les retrouver ou à les identifier, et il proposa ainsi, en 1866, dans la Gazette des beaux-arts, publiée à Paris sous la direction de Charles Blanc, le premier catalogue raisonné de l'œuvre de Vermeer. Il comportait certes des défauts : Thoré y incluait les tableaux d'un paysagiste qui portait le même nom, Jan Vermeer de Haarlem, ainsi que des tableaux de Jacob Vrel qui passaient pour des Vermeer depuis 1790. L'œuvre de Vermeer n'apparaissait pas exempte de contradictions, au point que Thoré surnommait le peintre « le sphinx de Delft ». Il fallut attendre plusieurs années de nouveaux travaux érudits qui fixèrent presque définitivement le corpus de l'œuvre : Henry Havard, en 1888, et C. Hofstede de Groot, en 1907.
Thoré, néanmoins, était celui qui avait le premier redonné sa place et son nom à Vermeer. Certes, les œuvres de l'artiste n'avaient pas disparu, comme il le souligne lui-même : très appréciées dès le xviie siècle, elles avaient circulé chez les collectionneurs flamands et hollandais, mais aussi français et britanniques. Comme Thoré l'avait prévu, la cote de l'artiste, définitivement installé au sein de l'école hollandaise, ne cessa plus de monter.
On ne peut pas séparer l'enthousiasme de Thoré pour Vermeer de son combat pour le réalisme qui explique son intérêt pour la peinture hollandaise. Mais ses écrits sont aussi révélateurs d'un moment particulier où la critique d'art débouche, insensiblement, sur l'analyse historique, comme en témoignent ses Salons et d'autres écrits de circonstance, en particulier son compte rendu de l'exposition des trésors d'art des collections privées anglaises en 1857 à Manchester, sans oublier sa collaboration à l'Histoire des peintres de toutes les écoles dirigée par Charles Blanc. Thoré compte à ce titre parmi les fondateurs de l'histoire de l'art.
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média