CHARRAT JANINE (1924-2017)
Danseuse, chorégraphe et directrice de compagnie, Janine Charrat a incarné de manière singulière la danse française de la seconde moitié du xxe siècle. Créatrice de ballets dès son enfance, elle a su devenir un pilier de la danse néoclassique, au même rang que Roland Petit. Bien que méconnue, son œuvre est importante.
Une enfant prodige
Janine Charrat naît le 24 juillet 1924 à Grenoble, d’un père colonel des sapeurs-pompiers en poste à Paris et d’une mère poétesse, Florence Poey. Fascinée par la danse et la musique – elle joue du piano –, elle se lance très jeune dans la chorégraphie, soutenue par ses parents. À l’âge de sept ans, Janine Charrat crée des solos qu’elle interprète dans des salons parisiens, aidée par sa professeure Jeanne Ronsay. Ces premières compositions, sur des œuvres de Jacques Ibert, Maurice Ravel, Claude Debussy, mais aussi sur des musiques hawaïennes ou indiennes, sont étonnantes de maturité et d’éclectisme, et montrent des influences chorégraphiques parfois orientalisantes (Le Charmeur de serpents, 1933) ou des situations très sombres (La Poupée brisée, 1934). Serge Lifar, alors maître de ballet de l’Opéra de Paris, repère ce petit « Mozart de la danse » comme la surnomme Maurice Escande. Il la sélectionne parmi cent cinquante candidates pour jouer dans La Mort du cygne, film (adapté d’une nouvelle de Paul Morand et réalisé en 1937 par Jean Benoît-Lévy) pour lequel Serge Lifar conçoit la chorégraphie. Ainsi, à l’âge de douze ans, Janine Charrat y incarne un petit rat de l’Opéra qui blesse une danseuse pour protéger la danseuse étoile qu’elle admire, incarnée par Yvette Chauviré. Ce film, qui connaît un immense succès (il reçoit le grand prix du cinéma de l’Exposition universelle de Paris de 1937), révèle une petite danseuse et comédienne intrépide, tenace, au regard pénétrant. Lifar prend alors Janine Charrat sous son aile.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Janine Charrat donne des récitals avec Roland Petit. Ils n’ont que seize ans, et Paris s’enthousiasme pour ce duo jeune et doué soutenu par Jean Cocteau, Henri Sauguet, Boris Kochno et Christian Bérard. Ils dansent des œuvres de Lifar mais aussi leurs premières esquisses chorégraphiques. En octobre 1945, Janine Charrat signe un premier grand ballet qui est un coup de maître : Jeu de cartes, créé pour les Ballets des Champs-Élysées qu’elle fonde avec Roland Petit. Dansé par Jean Babilée, Roland Petit, Youly Algaroff, Irène Skorik et Nathalie Philippart, Jeu de cartes (musique d’Igor Stravinski) montre, sur le thème des cartes à jouer, une construction chorégraphique très maîtrisée, ponctuée d’une narration claire et d’une réflexion sur le pouvoir, selon la valeur de chaque carte. Janine Charrat est immédiatement reconnue par le public et la critique comme une jeune chorégraphe majeure.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Ariane DOLLFUS : journaliste dans le domaine de la danse
Classification
Média